lundi 19 janvier 2009

Libraire (tout un art !)

Beaucoup de gens ont une idée fausse, voire romantique du métier de libraire.

On s’imagine, à tort, qu’un libraire se contente de rester dans son rayon à ranger et à conseiller tel ou tel livre. Ce n’est que la partie visible de l’iceberg.

Ce métier est physique, exténuant, technique et heureusement, parfois gratifiant.

Physique ?

Les livres arrivent sur palettes, et sont réceptionnés en fonction du dit réceptionnaire qui, s'il/elle n'aime pas les livres, les jette dans les bacs comme une vulgaire tomate qui fait "splash" (shiba wizz... hum non je me trompe de billet – m'enfin le cri d'un livre qui a mal est horrible, parole de libraire :( – fin de la parenthèse). Ou alors quand l'ouvrage fraîchement paru est tout simplement vandalisé par un coup de cutter rageur à l’ouverture du carton ! Vous devez vous ruer sur les diables pour pouvoir tranquillement - ou fiévreusement, au choix, stocker, empiler vos cartons pour ranger les nouveautés dans les rayons qui débordent véritablement à certaines périodes de l’année (rentrées scolaires + littéraires, fêtes de fin d’année). D’où l’éternel souci : faire de la place, de manière systématique.

Comment ?

Le principe est simple en lui même. On distingue deux types d’ouvrages : l’office (ou la nouveauté) et le fond. Les fournisseurs vous obligent, pistolet sur la tempe "vazy tu le prends", de garder un office (une nouveauté) un minimum trois mois dans les rayons avant de pouvoir le retourner (en cas de mévente cela va de soi). Pour le fond, c’est une autre paire de manches car vous devez passer impérativement passer par la case “opération charme ou/et menace” auprès du représentant pour qu’il vous file une AR (Autorisation de Retour en langage clair). Certains sont plus coulants et vous donnent sans broncher cette fameuse AR vierge et signée de leur main ; pour d’autres, il faut batailler ferme sur chaque titre. Il faut également savoir qu’on travaille en plein dans le rayon lorsqu’on reçoit un représentant d’où interruption perpétuelles du client qui vous demande un renseignement, vous commande un livre, etc… Du temps où j’étais libraire - enfin du temps où j'avais pas un bureau à l'écart et du temps où je ne travaillais pas uniquement pour les profs - la visite pouvait durer jusqu’à 4 heures pour détailler l'entièreté du catalogue. Un cauchemar. Un véritable marathon pendant les grosses périodes (rentrées universités et scolaires).

Exténuant ?

On n’arrête pas de courir à droite à gauche, le téléphone sonnant toutes les 2/3 minutes ; jonglant entre plusieurs clients présents en magasin et en ligne. On se prend des réflexions assassines (genre : "vous avez pas tel truc ? C’est quoi cette librairie ?" ou même quand vous leur expliquez gentiment que vous n’êtes pas censée être en magasin, que vous donnez un coup de main et que vous ne connaissez pas bien le rayon : le client s’en fiche, vous avez une veste et un badge mais ne regarde pas ce qui est marqué sur le dit badge). Il faut nuancer toutefois, certains lisent, s’excusent timidement de vous “déranger” et ce genre de clients, évidemment vous vous coupez en deux, en quatre pour le satisfaire car il est visiblement désemparé. Mais il faut reconnaître que, malgré le côté “libre service” de l'enseigne, ils vont directement sur vous et vous chopent même dès l'entrée du magasin en vous balançant un tonitruant "j'trouve pas !" (hé patate : encore faut il chercher !). Ce n’est pas de l’aigreur ou de l’amertume de ma part : juste une constatation. Petit parallèle en passant : quand vous faites vos courses au supermarché du coin, allez vous continuellement demander où se trouvent les boîtes de petits pois, de couches de bébé ? Bien sûr que non…. La plupart des clients se contentent de venir avec leur liste, de prendre un maximum de livres et de zapper rapidement vers la caisse. Quand je suis chez un libraire concurrent, ou même un bouquiniste, j’aime à flâner, sentir l’odeur du papier : prendre mon temps, tout simplement. Je trouve dommageable que le livre devienne un bien de consommation comme un autre… passons.

Le côté technique ?

Il faut se savoir se servir de l’informatique : Electre est un outil précieux qui, avec parfois de maigres informations, vous permettent de trouver le titre du livre (pour les non initiés, Electre n'est pas une fille mais une base de données payante). Jackpot, frémissement d’excitation, vérification de l’état du stock, et bonus s'il est en stock et que vous le trouvez pour le tendre fièrement au client. Technique aussi parce que vous devez posséder sur le bout des doigts/ongles le logiciel interne pour passer les commandes, faire le réassort, vérifier le stock, etc… Et puis connaître ses catalogues et ses rayons sont des plus appréciables. Ex : du temps où j’étais libraire (bis^^), je savais pertinemment si je possédais tel ou tel livre dans mes rayons sans même à avoir à utiliser le logiciel de gestion. Et c’est là qu’on reconnaît un bon libraire, tout simplement : sa mémoire !!! Mais faut pas rêver : y a toujours des gens qui demandent quand même : "vous pouvez pas vérifier dans la machine ?" (comme si l'ordinateur était gage absolu de fiabilité... tiens faudra qu'on parle du couac des inventaires).

Les bons côtés ?

Il y en a (mais si mais si, pas de panique).

Vous tombez sur des client(e)s charmant(e)s, cultivé(e)s et vous avez un véritable échange avec eux. Cela peut être furtif. Cela peut durer une demie heure, et plus si affinités. Ces moments sont précieux parce qu’on se dit qu’il y a quand même des gens pour qui découvrir de nouveaux horizons est aussi important que pour vous. Dernière anecdote du temps où j’étais libraire (donc ter et toujours en poche^^) : parfois un client venait juste pour une idée de lecture, et vous êtes tellement passionnée qu’il repart avec une pile de livres. Ce n’est pas de la vente forcée, c’est juste le plaisir de lui avoir fait découvrir des livres qu’il ne soupçonnait même pas et auxquels ils n’auraient même pas songé.

Moi, mon truc, quand je connaissais bien le client, qui par la force des choses devenait presque un ami, c’était cette phrase rituelle : "tu veux mon avis officiel ou officieux ?" Genre le dernier livre qui cartonne… celui à qui on ne ment pas et à qui on dit, non j’ai pas trouvé ça génial, celui-là revient parce que vous avez été honnête avec lui et pas voulu lui vendre une vulgaire came comme un paquet de lessive. Certains de mes collègues pourtant, ça ne les dérange pas. Si, si : je vous assure (voire ils l’ont même pas lu, ou trouvent ça à chier pour parler vulgairement, mais comme ça marche, et bien ils vont en faire des tonnes pour vous le vendre ! Ce n’est qui pas ma démarche, loin de là, car parfois on m'appelle à la rescousse pour conseiller de la SF (Chienche Fique-chione - avé l'accent). Je n'ai aucun mérite : je lisais en moyenne 5 livres pas semaine du temps (heureux et... oh la la, ça ne nous rajeunit pas) ; du temps donc où j'étais étudiante en histoire.

Pour la petite anecdote, c'est un bon plan pour draguer (sifflement style "Meuh non moi jamais")

La prochaine fois je vous donnerais des détails croustillants car je suis du genre blagueuse (on me refera pas :))

Et puis, comme dans tout corps de métier, le libraire à son propre jargon. Mais ceci fera l'objet d'un autre billet.

9 Avis intrépides:

Anonyme a dit…

Des études d'histoire? Et comment tu t'es finalement retrouvée dans les livres? Ca m'a toujours intéressée :)

Et détrompe-toi, les clients viennent très souvent demander où se trouve le sucre, le café, etc. ;)

ma vie intrepide a dit…

ça pourra toujours faire l'objet d'un autre billet :). C'est à la fois simple et compliqué (quoi que...).

J'ai une petite anecdote : dans la libraire où je travaillais auparavant, on me demandait souvent des timbres postes (véridique !).

Velvetshadow a dit…

Raaaah de la SF ! *_*
Je ne lis pratiquement que ça !
Sinon c'est clair, être libraire c'est le bon plan drague, tu peux cerner le genre de lecture de tes victimes (et donc potentiellement leur état d'esprit ^^) !

*se souviens de la libraire non loin de son ancien logement*

ma vie intrepide a dit…

Pfff c'est tout ce que tu retiens Sébastien lol. Disons que c'est pas courant d'aimer un courant de littérature en particulier comme la SF ou le fantastique, surtout pour une fille :), donc j'en ai fait ma spécificité. Je lis aussi d'autres genres mais j'avoue une (grosse) faiblesse pour ces deux styles (+ le polar tant qu'on y est).

Velvetshadow a dit…

C'est pas tout ce que je retiens, c'est tout ce que je met en avant : les bon cotés et non les clients râleurs ;)

Un bon mélange de polar+SF : les livres de Bernard Werber (mon autheur favori).
Un peu jeune dans le style d'écriture, mais on sent l'évolution au fur et a mesure de ses livres. Il prend de la maturité dans son écriture au fil du temps.

ma vie intrepide a dit…

Côté anecdotes j'en ai un paquet à raconter... Je n'ai lu qu'un seul livre de Werber.

Velvetshadow a dit…

Qu'un seul ?
En même temps difficile de juger pour moi, c'est grâce à ses livres que j'ai un minimum d'éducation et de recul sur les choses de la vie, je n'avais que ca pour m'élever, c'est un peu comme si ses livres avaient étés ma famille...

Anonyme a dit…

Merci pour ton commentaire! Je visite un peu ton blog en retour (que je trouve très bien fait, sans faute d'orthographe s'il vous plaît!)
;)
et je me permets de te renvoyer un message à mon tour! Ce billet sur les livres me plaît car je suis moi-même amoureuse des beaux livres (surtout d'illustrations... les livres pour enfants sont un vrai trésor pour moi!), de merveilleux supports qui ne doivent pas être oubliés... Car ils véhiculent du rêve et ça, c'est magique!

ma vie intrepide a dit…

J'ai pas mal d'anecdotes à raconter. J'ai dans l'idée, plus ou moins lointaine (dépend de mon emploi du temps^^), de parler un peu plus de ce métier et pourquoi pas de certains livres. Y a pas mal d'auteurs qui défilent en libraire, y compris jeunesse : ça devrait donc t'intéresser.

Je reste quand même impressionnée par la vitesse à laquelle tu as encrée ton dessin !