jeudi 14 mars 2024

A toi l'inconnue du métro

 Tu étais là, le visage triste. Peut-être étais tu juste fatiguée mais un instant j'ai cru que tu étais sur le point de pleurer. D'instinct, je me suis assise en face de toi puisque j'avais encore quelques arrêts. Tu semblais si vulnérable habillée de ta jupe printanière, les genoux fermés, sans doute pour ne pas prendre trop de place, ni certainement pour qu'un esprit malhonnête ne s'avise de te reluquer - la position des femmes quand elles sont dans l'espace public pour ne pas trop attirer l'attention. Oui, je me suis assise en face de toi, bloquant délibérément le passage de peur qu'un imbécile ne se mette à tes côtés et ne t'adresse des reproches comme cet homme, jeune,  qui l'a fait des semaines auparavant vis-à-vis d'une femme plus âgée parce qu'il la jugeait trop peu vêtue. Comme s'il fallait une validation de qui ce soit pour s'habiller comme bon nous semble quand on est une femme. 

La musique électro se déversait dans mon casque et malgré moi, j'essayais de deviner si tu étais triste ou tout simplement fatiguée, sans trop oser croiser ton regard, ce regard dans lequel j'ai cru pourtant poindre des larmes que tu tentais de contrôler. 

Je n'ai pas osé, pas osé te dire que je te comprenais. Je me suis assise face à toi, inconnue que je ne reverrai sans doute jamais, parce qu'il me semblait que c'était la chose à faire, que j'ai eu cet instinct irrépressible de m'assurer que tu allais bien. Même si je prenais cet air détachée pour ne pas te gêner, je restais tout de même attentive aux expressions qui succédaient sur ton visage. 

Puis nous sommes toutes les deux descendues au même arrêt. Je t'ai vu au loin dans la foule et nos chemins se sont séparés.

J'espère sincèrement que, où que tu te trouves ce soir, tu sois libérée de ce poids qui semblait te comprimer les épaules. 

mardi 12 mars 2024

Jour de grève... encore !!!

 Qui dit jour de grève, dit jour de galère, forcément. Mais ce n'est pas vraiment ici l'occasion d'énoncer la longue litanie des ennuis que j'ai eu pour arriver jusqu'au travail - deux fois plus de temps, ni de narrer à quel point le retour a été aussi compliqué le soir. Même si, techniquement, c'est justement sur ce retour qu'il y a plus de choses à dire. 

J'aimerais juste croquer les personnalités que l'on peut rencontrer lors de ce type de journée particulière, des situations cocasses ou encore des anecdotes lors du retour. Parce qu'avec la STIB, quand il y a grève, aller taffer c'est "presque sûr", repartir dans son sweet home relève d'un challenge digne de Koh-Lanta sans le totem d'immunité.

Pour faire bref, le matin il fallait doubler la mise : autrement dit, compter deux fois plus de temps et prendre le transport par des moyens détournés. En gros, un tram, un métro, un pré-métro, et ses petites papattes pour terminer le trajet. Rien d'insurmontable. 

Le retour fut plus chaotique. 

Il faut savoir qu'à Bruxelles, lorsqu'il y a ce type de manifestation nationale, seules deux lignes de métro circulent : la 1 et la 5. Grosso modo, n'importe quel usager, s'il sort à Mérode, point névralgique, peut prendre l'une ou  l'autre ligne. Sauf que les gens comme moi qui prennent le terminus Hermann-Debroux  sont obligés d'attendre la ligne 5. En temps normal c'est déjà assez compliqué car en heure de pointe tout les rames sont blindées - souvenez-vous : si vous voulez sortir à Mérode vous prendrez indifféremment la 1 ou la 5, ce qui augmente considérablement le nombre de gens dans le métro et nous, forçats de la 5, devons nous contorsionner comme nous le pouvons à la recherche d'un peu d'espace et attendre patiemment que le flux diminue. 


(Petit schéma des lignes 1 et 5, histoire de comprendre de quoi je parle, pour tout non usager des transports bruxellois)

Aujourd'hui donc, nous avons joué au Tetris. Comprendre que de toute façons, si vous ne pouvez pas vous accrocher à la barre, c'est tellement dense qu'il est difficile de s'exploser la gueule par terre au cas où le métro pile brutalement, ce qui arrive quelques fois. Du coup, c'est l'occasion de papoter gaiement avec tous les usagers en galère. On sourit. On plaisante. On raconte des bêtises. On me souhaite bonne chance. 

Oui, on me souhaite bonne chance parce que j'ai la folle idée d'envoyer un message WhatSapp à mon amoureuse lui indiquant que je descends à Art-Loi, autre plateforme du trafic d'humains.... pardon d'usagers, et que nous pouvons continuer la route ensemble. Sur le coup, je ne me rends pas bien compte de ma proposition lunaire, que j'énonce calmement à ceux qui m'entourent comme si c'était une simple promenade de santé et, telle une gladiatrice dans l'arène, on me souhaite donc bonne chance au moment de me faufiler sur le quai pour retrouver mon amoureuse. 

Avec qui j'ai patienté deux métros avant de pouvoir grimper de nouveau dans une rame. 2 métros ce n'est rien, me direz vous, mais c'est sans compter l'espacement entre chaque passage et cette fascinante horloge que seuls les transports en commun possèdent en ce monde de voir la minute s'écouler interminablement. Je dirai que nous avons attendue plus que les 20 minutes annoncées avant que notre brave ligne 5 ne se pointe pour nous délivrer.

Coïncidence ou comique de situation, tandis que nous patientons, je vois un grand escogriffe me faire signe de la main : un de mes collègues bloqué dans le bocal, dans le métro donc. Commence alors un jeu de mimes entre nous : le langage avec les mains fait toujours des merveilles. Avouez tout de même que la probabilité de le croiser et de tomber pile nez à nez sur lui alors que je suis partie bien avant lui est assez incroyable ! Voire ubuesque. 

De cette folle journée, j'en retirerai cette propension à converser naturellement avec d'autres voyageurs qui sont dans la même galère que nous et avec qui nous faisons une comptabilité entre celles qui attendent depuis le plus longtemps, cette volonté de monter dans la rame, coûte que coûte - je suggère d'utiliser mon tout nouveau parapluie pour pourfendre les inconscients qui essaieraient de nous gruger, mais surtout cette autodérision, cet humour typiquement bruxellois - ou plus globalement belge, qui me font aimer un peu plus ma vie ici désormais. 

Voilà, à la base je voulais raconter notre périple à Anvers et notre découverte de la ville flamande, mes ressentis et le parcours du combattant pour arriver jusqu'à la Gare Centrale, digne des plus grandes comédies de l'Hexagone, suite à une autre grève - et oui, 2 manifestations en 4 jours, elle est pas belle la vie ? mais cela fera l'objet d'un autre billet. 

Demain soir, qui sait ? Peut-être. 


Et ça c'est le message de la STIB de ce jour nous informant que cela va êtres encore la grosse mierda. Cadeau :









jeudi 22 février 2024

Finalement, j'arrive... ou pas.

Je pensais laisser mes déboires en transports en commun de côté, depuis que je n'habite plus à Lille avec ses deux pauvres lignes de métro - toujours en panne, et ses deux lignes de tram (je ne compte pas les bus et la navette), c'est sans compter avec ma malchance coutumière tel le chat noir que je suis. La guigne me suit ici aussi à Bruxelles, depuis que j'ai changé de travail. Travail qui m'amène dans le centre ville. 

Ce matin donc, il ne fallait pas compter sur l'intelligence des gens qui, au lieu de descendre du tram, s'aplatissent comme des forcenés contre la rembarde, ne laissant que peu d'options afin de sortir de la rame tandis qu'une horde de zombies, pardon d'autres voyageurs attendent impatiemment de grimper à leur tour sur la ligne 8 - Rodebeek vers Louise. D'ailleurs certains ne connaissent pas la bienséance de laisser d'abord les gens sortir du tramway pour se ruer vers l'escalator, souvent en panne, qui mène dans la bouche de l'enfer... enfin le métro ligne 5. Il paraît que ce n'est pas la plus facile. Pourtant les règles de la civilité entre voyageurs sont bien indiquées, mais il faut croire que partout, comme ailleurs dans toutes les villes, la connerie conditionne la manière de se comporter dans les transports. Bref, je n'épiloguerai pas sur le manque de neurones de mes comparses. Ce n'est pas la première fois et ce ne sera hélas pas la dernière fois : c'est désespérant à force !

Cahin-caha, nous nous échouons mon amoureuse et moi sur les deux sièges libres de cette satanée ligne 5 et le voyage se déroule ma foi sans encombre malgré la foule qui se presse et augmente exponentiellement avant notre correspondance. Un Tetris humain. 

Art-Loi nous nous séparons sur le quai. Tandis qu'elle s'engouffre au dehors, je reprends un nouvel escalator pour prendre cette fois la ligne 6 (ou 2, c'est la même chose en fait) pour me rendre sur mon lieu de travail. 4 arrêts au total. 

J'aurais dû me douter que ce n'était pas normal. 

Pas normal en effet que le métro reste ainsi à quai durant 2 bonnes minutes. Je suis chanceuse, me dis-je en montant quand même. Cela arrive de temps en temps et je ne m'en fais pas plus que ça. J'ai ma musique électro dans les oreilles, la meilleure manière d'entamer ma journée. On entend vaguement un appel dans le microphone de la rame - en fait une conversation des plus banales entre deux techniciens de la STIB. Cela aurait dû nous mettre la puce à l'oreille pourtant.

Les portes se ferment et nous partons...

En effet, nous partons mais en marche arrière, comme c'est cocasse !

Toute cela pour nous arrêter un arrêt plus loin, et pas dans la bonne direction. Tout le monde se taille du métro, comprenant qu'il faut remonter et repartir sur le quai d'en face pour reprendre le métro suivant et nous remettre dans la bonne direction. Cela aurait été pourtant plus simple de nous sommer tout simplement de descendre tous ensemble du métro - qui partait en marche arrière, dois-je le rappeler, et d'attendre le suivant. Ah ah sacrés farceurs messieurs de la STIB. Quelle perte de temps.

Mais ce n'est pas fini. Il faut bien terminer sur une note encore plus ubuesque.

Nous nous déversons donc sur le quai pour reprendre la bonne direction. Nous sommes plutôt nombreux - nous sommes légion. Le signal de fermeture s'enclenche et le monsieur devant moi avec qui j'ai discuté et plaisanté, fait le forcing pour laisser les portes ouvertes. C'est sans compter la charmante dame derrière moi qui me pousse comme si c'était la chose la plus intelligente à faire ! Forcément, cette fois, j'ai piqué une saine colère, je me suis retournée et je lui ai demandé à quoi ça servait de me pousser puisque de toute façons il y a quelqu'un devant moi ? 

Non, mais des fois ? Ça va pas bien dans la tête, les gens ? 

Il y a vraiment des baffes qui se perdent et je suis sérieuse. Les neurones ne sont pas données cette année mais elle sont en solde à -100% : c'est la saison des cons et ce n'est pas prêt de finir.

J'ai quand même pris le bon métro dans la direction adéquate mais en maugréant sur l'attitude des primates habillées en costume cravate ou en tailleur*.

Je suis donc arrivée au travail un quart d'heure plus tard avec une  belle anecdote à raconter à mes collègues.

Franchement, je cherche pas les emmerdes mais ce sont les emmerdes qui me trouvent. 

N.B. J'aurais pu tout aussi bien raconter l'histoire d'"à la recherche du scotch perdu" d'hier qui nous a valu hier un bon gros fou rire des familles avec ma collègue A. Peut-être une autre fois qui sait ? N'empêche que je vais finir par monter un spectacle de standup avec toutes les tuiles qui me tombent sur la gueule. Les tuiles ou plutôt la toiture complète.


* des fois on a juste envie de dire aux gens "d'aller se faire cuire le cul" (j'avais juste envie de placer cette expression très imagée)



lundi 19 février 2024

Si j'osais...

 

Si j'osais, un jour, je les enverrai tous ces textes à qui de droit, ces endroits où l'écriture est encore un noble art qui fait voyager, rêver, réfléchir, divaguer, déconnecter.

Mais je ne m'y résous pas. Je suis soit trop fière, soit trop timorée, ou juste blasée. Trop fière pour admettre que j'ai laissé passer ma chance, si tant est que j'en ai eu une un jour. Trop timorée pour croire que je sois encore bonne à quoi que ce soit. Trop blasée pour accepter que mes récits ne font finalement aucun écho parmi toute cette masse de livres qui sortent par torrent, wagons entiers. 

Ai-je vraiment une place,  ma place,  dans cet océan de mots ? 

Et puis je me dis que j'ai pensé l'âge, que ce serait ridicule maintenant, que ce n'est plus le temps, même si je continue à coucher mes idées, même si je m'évertue à construire des histoires, rêver des personnages, les faire vivre hors de moi, puisqu'ils prennent la plume au travers de moi et voguent dans leurs vies comme ils l'entendent - cela m'a toujours fasciné qu'un de mes protagonistes prennent plus de place que je ne l'aurais jamais imaginé. 

Bref, je n'ose pas. Je ne m'y résous pas. Je tourne en rond. Je tourne autour de ces maisons, puis je me dégonfle à chaque fois quand je me dis : "cette fois tu sautes le pas". 

C'est idiot, je sais, mais je crois que j'ai perdu la capacité de rêver...

Une chose est sûre pourtant : malgré cela, malgré mes doutes, mes interrogations, je continuerais, quoi qu'il en soit. Quoi qu'il en soit, je continuerais à écrire. 

Finalement, n'est-ce pas la plus belle façon d'oser ?