jeudi 26 octobre 2023

Dinosaure de l'informatique

Je suis une fondue d'informatique, une vraie geekette à lunettes. 

Je me souviens parfaitement avoir économisé sou à sou pour m'offrir mon premier PC. Comble de l'ironie, moi qui n'aime pas commander sur internet, je me suis pourtant fait livrer un ordinateur de bureau de l'autre bout de la France, Nice. 6.000 francs à l'époque, une véritable fortune. Je n'avais pas de travail, j'était chômeuse à temps complet et, pour aider ma sœur, durant 9 mois j'ai été la nounou à domicile de mon neveu. En échange du vivre et du logis, je mettais de côté mes indemnités et, enfin, m'offrir le cadeau de mes rêves, sans savoir que j'allais mettre la main dans un dangereux engrenage. 

Dans les années 90 déjà, j'étais fascinée. Je collectionnais alors les magazines spécialisés dans l'informatique. Il étaient vendus avec des CD contenant des logiciels, des jeux, ou encore des systèmes d'exploitation - mes débuts avec les environnements Linux se sont d'ailleurs faits par le biais de "PC Achat" ou "PC Magazine". C'est notamment grâce, ou  à cause des publicités pour les sociétés spécialisées dans la vente à distance, que j'ai eu l'idée et la volonté de m'offrir moi aussi un de ces jouets qui allaient devenir terriblement à la mode. Un pentium 4.86 avec 786 méga-octets de disque dur ce qui, pour l'époque, était le top du top. Maintenant, au vu des bestioles que je possède, cela me fait doucement rire mais il y a près de 30 ans, avoir un PC chez soi n'était pas si répandu que cela. D'ailleurs cela m'aurait bien aidé quand j'ai travaillé sur mon mémoire en histoire médiévale plutôt qu'une machine à écrire, certes électronique, mais qui était un vrai cauchemar pour taper les 133 pages de mon travail de fin d'études. Mention bien, ce n'est pas rien finalement. 

A l'heure où je vous parle, j'écris sur un PC portable que j'ai upgradé. Pourtant mon premier ordinateur était un bête PC tout d'un bloc avec un gros écran. C'est à partir de là pourtant que mon côté geek est ressorti et mon amour pour l'informatique jamais démenti, parfois fluctuant mais cela revient toujours comme un boomerang. 

Je suis passée par tous les stades : du MS-DOS austère au Windows 11, en passant par une des innombrables versions de Linux. J'ai même récemment acquis un Mac, dernier bastion de ma soif de découverte, que j'utilise peu à vrai dire, c'est dommage. 

Par ailleurs, et je sais que c'est un cliché de penser que seuls les mecs sont capables de s'intéresser à ce domaine, je suis la réparatrice en chef de ma famille. C'est simple, je ne ne compte plus le nombre de PC que j'ai retapé pour frères ou sœurs, ni même réinstallé, nettoyé, boosté. Parfois c'est un peu compliqué quand vous voulez passer un week-end car il y aura toujours quelqu'un pour me poser cette question récurrente "Hey, tu peux pas jeter un œil sur mon ordi ? "

Quand je parle de clichés, voici une petite anecdote bien sexiste. J'avais fais maint et maint tours dans cette grande surface nordiste que je ne nommerais pas pour acquérir une mini-tour. J'avais jeté mon dévolu sur une configuration qui cochait toutes les cases de ma to-do-list. C'est sans compter le vendeur-conseil qui rodait par là et qui a voulu faire son malin avec moi en essayant de me fourguer une bestiole moins puissante juste parce que c'était un processeur Intel. Il a bien essayé le bougre mais devant mon entêtement et ma connaissance certaine de ces machines, il a fini par céder. D'ailleurs, quand nous sommes passés devant le tiroir-caisse, enfin son poste de travail pour conclure la vente et éditer le bon d'achat, il m'a juste posé cette question : "je suppose que vous ne voulez pas d'extension de garantie" en soupirant d'un air fatigué ou déjà résigné, que sais-je. Ce à quoi j'ai évidemment répondu qu'il supposait très bien d'un petit air frimeur, je dois reconnaître. Moralité : méfiez-vous des petites brunes à lunettes qui ont l'air d'intellos. 

Revenons donc à mon Pentium 4.86 flambant neuf que je m'étais fait livrer chez ma sœur et envoyé du fin fond de la France, en provenance du "Sud".  

Je ne suis pas du genre tête brûlée ni à prendre des décisions à la légère, et pourtant j'avais commandé un PC rubis sur l'ongle, en versant la modique somme de 5.995 francs (soit un peu moins de 1.000 euros) sur un compte dont je n'étais pas sûre à 100% qu'il soit professionnel. Bref, j'avais peur de me faire escroquer. Je ne suis pas de celles qui commandent via internet. Je n'ai jamais fais appel à Amazon ou autres temples de la vente online pour me faire livrer quoi que ce soit chez moi. Même si cette semaine je m'apprête, enfin, à commander ce foutu support pour ma smart TV qui tient grâce au mur, et à la bibliothèque - un dommage collatéral de mon déménagement. Là, pour le coup, ce n'était pas un petit objet mais bien un gros truc qui pèse une tonne et qui allait changer ma vie. Mais heureusement pour moi, j'ai eu affaire à une vraie société pas bidon du tout qui m'a livré mon précieux une semaine plus tard.

Soupir de soulagement donc. 

Je pensais donc commencer à explorer le monde merveilleux de l'informatique à portée pour tous et m'initier aux joies des commandes MS-DOS (dir:/c, edit, CLS ou encore CHKDSK), un langage que les jeunes boutonneux abreuvés aux smartphones et Windows 11 ne connaissent pas, mais c'était sans compter ma famille, enfin ma sœur, qui prenait invariablement assaut de mon PC afin de jouer à des jeux vidéos. Rien d'extravagant non plus. Je me souviens vaguement des maigres jeux qui étaient livrés avec ce Pentium 4.86 mais j'étais tous les soirs mise en échec, attendant patiemment que l'on me cède le clavier. Je ne savais pas dire non. Maintenant, heureusement, quand je dis non, c'est non. 

Bref, tout cela pour vous dire que j'ai dû attendre de réintégrer mes pénates avant de me consacrer pleinement à ce nouveau jouet fantastique qui allait bouleverser le monde car enfin à portée de "presque" toutes les bourses. 

Peu de personnes dans mon patelin possédait un ordinateur. Il m'a rendu service et j'ai rendu service aussi, en rédigeant des notes de synthèse pour des ami(e)s ou en transférant des données sur des disquettes, qui ne permettait tout au plus qu'enregistrer que peu de données à vrai dire. Rien de comparable avec les clés USB ou les disques durs d'aujourd'hui.

Je suis donc ce que l'on qualifierait de "dinosaure de l'informatique" même si je ressemble peu ou prou à un T-Rex, ou plutôt non, si l'on prend un point de comparaison dans Jurassic World, je serais plutôt un brontosaure eu égard à mes habitudes alimentaires.

C'était il y a 30 ans et je m'en souviens encore comme hier, de ma joie, ma fierté de posséder ce haut sommet de la technologie. Je vous parle du siècle dernier, des années 90.

Ma collection s'est agrandie avec le temps. Je ne compte plus les PC portables ou les ordinateurs de bureau qui sont passés entre mes mains avant de passer dans celles de mes frères ou sœurs en guise de "cadeau" de dépannage tandis que j'achetais un nouveau joujou bien plus puissant, bien plus rapide.

Au dernier inventaire, j'ai l'heur d'avoir dans mon cheptel... enfin dans mes possessions : 4 pc portables tous upgradés par mes soins (barrettes de mémoires, nouveaux disques durs plus performants comme les SSD), sans compter un 17 pouces que j'ai boosté à ma convenance et qui ne sort hélas pas souvent de sa sacoche ; sans compter depuis peu également un Mac Book pro qui lui non plus ne voit pas souvent la lumière du soleil et, enfin, dernière acquisition grâce à mes écochèques, un Notebook très léger (1,2 kg à la dernière pesée) qui me permet de le glisser dans mon sac à dos de ville et que je transbahute parfois à Cook & Book ou chez mon amoureuse pour continuer d'écrire. Last but not least : une mini-tour avec ses trois emplacements pour disques durs et que je peux connecter à ma télé afin d'en faire une véritable centrale multimédia. Je ne compte pas ceux que j'ai mis dehors au bon vouloir des passants désireux de faire de la récup quand j'ai fait un gros ménage par le vide l'année dernière avant d'atterrir à Bruxelles, ni mon serveur que je n'ai jamais réussi à faire marcher correctement.

Vous allez me demander : mais comment fait elle ? Elle à un compte en banque extensible ou elle braque des banques ? Au risque de vous décevoir, rien de tout cela : j'achète tout simplement d'occasion, en seconde main via le Bon Coin ou tout simplement en reconditionné. 

Je pense avoir une case, légèrement, voir toutes les cases de l'échiquier... 

Parce que oui, à cette collection un peu déraisonnable, il se trouve également que je ne compte plus le nombre de disques durs blindés comme pas possible.

Je suis un peu cinglée non ? Geek à lunettes ? 

Faites vos jeux !



mardi 17 octobre 2023

Les temps sombrent...

Cela me dépasse. 

Le monde de violent, est devenu barbare. Enfin pas le monde, mais les humains qui l'habitent et qui se combattent comme si c'était la première et la dernière chose à faire avant de mourir. Toute cette haine  déversée au nom d'une hypothétique entité invisible qui nous regarderait d'en haut. Un vieillard à la barbe blanche, omnipotent, qui joue aux dés avec les vies humaines, des fourmis qui sont incapables de construire quoi que ce soit. 

Et pas un pour rattraper l'autre. 


Quel Dieu a dit qu'on devait prendre des armes et tuer au hasard en Son Nom ? Qui croit vraiment que c'est ce qu'Il veut ? Et d'abord pourquoi se réfugier derrière une religion pour abreuver les autres de sa haine constante, indéfendable, illogique ? 


Je suis déiste et parfois je flirte avec l'agnosticisme. Je crois certes en quelque chose mais qui n'est pas forcément ce Dieu vorace dont se réclament les terroristes de tous bords quels qu'ils soient. La foi est personnelle. Et la foi est tellement subjective aussi. Les livres saints ne sont après tout que des récits, des contes de fées transmis de générations en générations, parfois déformés au fil des temps, pour se convaincre que nous ne sommes pas là par hasard et qu'une force nous gouverne, gouverne nos vies, et nous demandera des comptes au jour du jugement dernier.


Alors dis-moi camarade humain pense-tu vraiment que le paradis t'attend en massacrant celui qui ne pense pas comme toi ? Qui veut juste vivre en paix avec son voisin pourtant si différent de lui ? 


Non, je ne comprends décidément pas. L'humain plus que tout me fait peur. Je crois de moins en moins en l'humanité.


L'humanité est un parasite qui s'inocule lui-même les pires des maladies : l'intolérance, la violence. 


Je déteste ce que je vois. 



lundi 2 octobre 2023

V.H.S.

 

Je suis une nostalgique. A bien des égards, certaines choses de mon enfance ou de mon jeune âge adulte me manquent. Le paquet de bonbons à 10 francs est l'un des plus frappants exemples. Nous sommes désormais constamment abreuvé d'informations dans tous les sens de la stratosphère. On consomme de la culture, des films ou des séries sur des plateformes, de la VOD, d'un simple clic de souris ou en tapant OK sur sa télécommande, de manière irréfléchie. Jusqu'à la nausée.

 J'ai une collection de plus d'un millier de films à l'heure actuelle. Je parle bien de cet étrange objet que l'on extrait de son boîtier rectangulaire et que l'on insère dans un lecteur prévu à cet effet. Comme au cinéma, parfois on a les bandes annonces, sans le pop-corn. Je suis une vraie collectionneuse dans le sens premier du terme. Je suis en constante recherche de la petite perle qui m'avait tapé dans l'oeil quand j'étais jeune et innocente, qui m'avait envouté, et que je recherche désespérément. Parfois, malheureusement, à force d'être dans le prêt j'en arrive à ne plus pouvoir récupérer l'objet de mon affection. Je repense notamment "Aux ailes du désir" de Wim Wenders, sublime narration poétique dans un Berlin intemporel en noir et blanc avec un Peter Falk qui ne joue pourtant pas au détective avec son éternel cigare et son pardessus beige. 

  Ces milles films, ou peu s'en faut, sont pourtant une partie visible de l'iceberg.  Je ne compte pas les disques durs gorgées de pépites du 7ème art. Le support a changé mais pas ma passion qui, elle, reste intacte. Ma collection a pourtant commencé bien avant. Tandis que le ciné club de la 2ème et 3ème chaîne, respectivement le vendredi soir et le dimanche soir, je tannais parfois mon père pour qu'il m'enregistre les films que je désirais voir plus tard. Je pense à Stephen Frears, Neil Jordan ou encore Jean Cocteau. A l'époque le replay n'existait pas.  J'économisais pour m'acheter ces précieuses cassettes V.H.S que vendaient alors les grandes surfaces par paquets de cinq. Parfois, j'avais des déconvenues : mon père s'étant tout simplement servi d'un de mes précieuses cassettes pour enregistrer par-dessus alors que je n'avais pas encore vu le film pour lequel j'avais demandé l'enregistrement.

  Quand j'ai déménagé à Lille, j'ai peu à peu abandonné ces V.H.S, trouvant mes films préférés sur un nouveau support, le DVD puis, plus tard, le BluRay. 

Pourtant, ce qui me peine en fait, me rend nostalgique sans nul doute, c'est la mort pure et simple des clubs vidéos. Qui se souvient encore de Vidéo Futur, cette chaîne de magasins implantée un peu partout dans les grandes villes ? Pour le prix de quelques minutes, il fallait juste s'inscrire et on avait une belle carte plastifiée qui nous permettait de louer jusqu'à trois films par semaines pour une somme modique. Les nouveautés, les blockbusters étaient bien sûr les plus recherchés et partaient comme des petits pains. Il fallait prendre patience avant de pouvoir regarder le film dont tout le monde parlait au lycée ou au boulot autour de la machine  à café. Mais à l'époque, on cultivait l'art de la patience, l'ère du zapping perpétuel n'était pas encore ancré dans les mentalités. 

 J'aimais bien mon petit club vidéo de quartier, au coin. Je descendais tongs aux pieds et j'y restait trois bons quarts d'heures, parfois moins, parfois plus. Je n'arrivais pas à me décider entre tel ou tel film. Je compulsais tous les résumés au dos de la jaquette. Je n'avais pas d'idée préconçue, seule mon envie me guidait : une rom-com si mon humeur cherchait de la légèreté, un drame quand je voulais me plonger dans le cœur de l'âme humaine. J'y mettais un temps infini avant de me décider et parfois le choix était cornélien. Qui sait, si je ne prenais pas tout de suite le film qui était mon quatrième choix,  je pourrais l'emprunter une semaine plus tard  ? Qui sait si celui-ci n'aurait pas déjà été emprunté par quelqu'un de moins indécis que moi ? C'était le jeu. Un jeu de dés. 

 Souvent aussi, je voyais des hommes, et quelques femmes également, pousser les portes marrons, en regardant autour d'eux si quelqu'un ne comprenait pas leur petit manège. Il s'agissait bien sûr du rayon réservé exclusivement aux plus de 18 ans. 

 Ma collection de films s'est, à partir des années 2000, étoffée de manière vertigineuse, exponentielle car je pratiquais l'art de la duplication mais chut, il ne faut pas le dire. Cela ne m'a jamais empêchée d'acheter des films, de fréquenter assidûment les magasins d'occasions, des Converters pour ne pas les nommer, et d'aller de temps en temps au cinéma. Le prix galopant du billet a toutefois mis un frein à ces sorties pop-corn sur grand écran. Et pourtant, j'y allais toutes les semaines, dans mon petit cinéma de quartier quand j'habitais encore Douai. Mais c'était un petit cinéma justement, et pas un des ces immenses complexes. On pouvait aussi bien voir le dernier blockbuster que le film d'auteur inconnu. 

 C'est bien dommage que les nouvelles générations n'aient pas eu la chance de connaître ces vidéos clubs. Tout est à portée de main désormais. Finalement, ce n'est les vidéos qui ont tué les radio stars* mais bel et bien l'art du fast lu, fast vu, fast écouté.




* Clin d'oeil évident à cette vieille chanson de la fin des années 70. A vous de faire vos recherches sur Youtube. 


vendredi 18 août 2023

Farewell to Dublin

D'aussi loin que je me souvienne j'ai été attirée par l'Irlande, cela étant  certainement dû en à la mythologie celte. J'étais la passionnée de la famille, le rat de bibliothèque qui se mettait en retrait par timidité pour compulser de manière irrépressible la collection des "Tous l'Univers" que mes parents possédaient dans leur bibliothèque - 18 ou 24 volumes je crois. Je synthétisais tout et n'importe quoi sur mes pages quadrillées que j'arrachais de mes cahiers d'école, de l'histoire du Royaume de Suède aux combats de la première guerre mondiale, en passant par les Vikings, la Mésopotamie ou la Grèce Antique. Et l'histoire des celtes aussi, que j'aurai à potasser bien des années plus tard pour le concours d'entrée à l'école du Patrimoine, que je n'ai finalement pas passé, sans doute à cause de contraintes matérielles. 

Aussi quand nous avions opté pour la destination finale de nos vacances mon amoureuse et moi, nous avions sélectionné Edimbourg, un clin d'œil à un de mes récits où j'avais parlé de cette ville sans y avoir mis un fichu pied, ou la capitale de l'Irlande, Dublin. Connaissant très, et trop bien, Berlin nous nous sommes mises d'accord pour remettre la visite de cette dernière à une autre fois. 

Dublin ne se livre pas tout de suite à vrai dire. Le charme agit certes, mais ce n'est pas un vrai coup de foudre comme la fois où j'ai atterri sur la piste de l'aéroport de Berlin-Schönefeld. On tombe amoureuse de cette ville et de ses habitants de manière un peu plus subtile. Sans doute les attentes avaient été trop hautes et j'espérais être éblouie instantanément. 

De fait, au bout de deux jours seulement, après des visites à marche forcée et mes salutations au Trinity Collège, celui-là même qui avait vu sur ses bancs l'un de mes auteurs préférés, Oscar Wilde, j'ai dû me rendre à l'évidence que cette ville est un écrin. Voici donc pêle-mêle mes ressentis, qui ne sont bien entendu plus que subjectifs. 

Tout d'abord, ce n'est pas une grande ville à proprement parler. Le centre est accessible facilement à pieds et, si on est fatigué et/ou fainéant, rapide en transports en communs lorsqu'on est un peu excentré comme nous l'étions - 20 minutes. Deux lignes de tramway au prix peu excessif de 22 euros de manière illimitée durant toute une semaine, soit le temps de nos vacances. La green line et la red line, le tramway donc, bien plus élégant et neuf que celui de Bruxelles, des bus à deux étages typiques des pays anglo-saxons - des doubledeck bus, mais pas de métro. C'est assez étrange pour une capitale mais c'est à noter. Que dire de nos journées ? 

Elles ont bien été remplies. C'est un fait. 

Il fallait choisir entre les nombreux musées et le choix était cornélien. Dublin est une capitale riche d'histoire et de culture. Il y a à faire, c'est certain, pour qui veut passer des vacances autrement qu'en bouquinant sur la plage, se dorer la pilule au soleil du sud ou en jouant à une partie de beach-volley. Cela peut avoir son charme, jusqu'à un certain point à mes yeux. J'ai été, et je reste adepte des vacances où l'on s'immerge dans la culture d'un pays et de ses habitants plutôt que du farniente total et de la bronzette orange carotte. 

Pas de tour en bus, ni de visite de Guiness ou de Teeling (le whisky) et Jameson : ce sera pour une autre fois, mais une visite à pieds avec un guide touristique dans la langue de Molière qui au final ne m'aura pas vraiment appris grand chose. Les meilleures visites ont de fait été celles que nous avons faites sous le coup de l'impulsion et non préméditées, comme la National Gallery of Ireland, immense avec ses 54 salles - une demi-journée suffirait à peine pour tout voir, ou encore la long room du Trinity Collège, malheureusement vidée à moitié de ses livres mais qui fut une claque pour moi. Je me souviens avoir exprimée à voix haute mon émerveillement à deux reprises : "C'est magnifique". Dans le quartier des Liberties, la Cathédrale de Saint-Patrick, qui contrairement à ce que l'on s'imagine n'est pas la cathédrale officielle de Dublin*et que l'on a parcouru durant plus de deux heures, pour le clin d'œil au Saint-Patron de l'Irlande et où on y a pu dégoter deux anneaux de Claddagh. Le Epic, ou musée de l'immigration, valait également le coût de la visite, pour l'histoire de l'Irlande, de ses flux migratoires et de l'influence de ce pays à travers le monde. Si l'on y réfléchit bien, l'Irlande a produit un nombre impressionnant d'artistes, chanteurs, dramaturges (4 prix Nobel de littérature tout de même !). D'ailleurs cela transcende chaque recoin de rue de Temple Bar ou Grafton Street, zone névralgique et commerçante, mais moins que la longue O'Connell Street - petit aparté : O'Connell est la rue par excellence des magasins de souvenirs**. Grafton Street est certainement la rue qu'il faut emprunter si on est sensible à la musique folk ou rock. Les musiciens affrontent sans se démonter le regard blasé des locaux et de touristes en continuant à chanter envers et contre tous. Et, bon sang de bois ne saurait mentir, le nombre de damn good singers que j'ai eu l'occasion d'entendre ! C'est dans leur sang, ce gène de la musique qui se transmet ainsi de générations en générations.

Un petit bémol toutefois, le MoLI ou musée de la littérature irlandaise, ou ne devrait-on pas plutôt le rebaptiser le musée James Joyce ? Je m'attendais à ce que toute la littérature y soit représentée (Bram Stoker, Oscar Wilde, Edna O'Brien et j'en passe) et pas juste survolée, et non cette omniprésence de Joyce ainsi que la sous représentation de la littérature féminine. Cela dit, au dernier étage, chaque visiteur peut si l'envie lui prend, accrocher une petite pensée sur un mur en ardoise. Est-ce que le mien est encore visible après une semaine  ? Telle est la question mon cher Watson. En tous les cas, mon petit mot était quelques lignes de mon cru portant sur la littérature et l'imagination. 

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur Dublin mais ceci fera sans doute l'objet d'un nouveau voyage. Sans doute les ressentis de mon amoureuse n'ont pas été les mêmes. Je sais qu'elle a aimé le retour au passé au 14, Henrietta Street alors que j'étais  un peu déçue. Comme dit plus haut, il faudrait y retourner et enfin goûter la bière nationale suite à un de ces Guiness tours dont les étrangers sont si friands, et non pas dans un pub. On pourrait également parler de l'indélicatesse des voisins de chambre qui ont cru être seuls au monde. Je vous laisse imaginer le type d'indélicatesse que nous avons eu à nous farcir avant que l'on donne des coups secs mais fermes dans le mur pour leur souligner qu'ils n'étaient pas seuls et que tout le monde pouvait les entendre. Quelle santé !
 
En guise de conclusion, ce que j'aimerai mettre en avant, c'est l'extrême gentillesse et politesse des dublinois. Notre chauffeur de taxi aurait pu éructer, voire insulter la cycliste qui zigzaguait entre les véhicules sans marquer ses intentions, mais il s'est contenté de lui notifier que cela aurait été plus clair pour tout le monde de le signaler de la main, de manière neutre, sans hausser la voix. Spectacle étonnant quand l'on constate l'énervement continuel à Paris, où autre grande métropole, entre les voitures et les deux roues.  Et surtout ce sentiment de se sentir en sécurité partout où nous allions à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit. 

Et, pour l'anecdote, des français. Beaucoup de touristes français. Un incalculable paquet de touristes français dès que l'on se retournait, à droite, à gauche, devant et derrière. Bizarrement également, pas mal de portugais et/ou brésiliens dont l'accent à mes oreilles me faisait sourire inévitablement.

Bref, Dublin n'est pas une ville où le soleil prédomine - il faut s'attendre à de la pluie qui vous chope sans vous prévenir, mais c'est une capitale qui vaut le détour pour peu que l'on préfère des vacances en toute immersion et en toute curiosité. 

N.B. les Irlandais mangent tôt (genre 18h). Bon a savoir quand on arrive dans un restaurant après 21h et que l'on vous dit que les cuisines sont fermées. Par ailleurs le wifi de Dublin est nickel (pas comme celle de Bruxelles) et, tenez-vous bien, les toilettes ne sont pas payantes !!



* Christchurch est la cathédrale officielle de la religion catholique, à dix minutes  à pieds à peine de Saint-Patrick.

** Caroll Irish Gifts : où après avoir adopté un Bernard, Berlin bear emblème de Dublin il y a 5 ans, j'ai ramené son petit modèle dublinois, un Bernie bear de poche 

 

jeudi 13 juillet 2023

Résilience

 Je n'ai pas pour habitude d'exploser. Cela m'arrive de grogner comme un ours mal léché mais je tempête la plupart du temps contre les objets ou contre moi-même ; je m'énerve et ça retombe ou il faut me laisser dans mon coin jusqu'à ce que le ruminant arrête de remâcher les mêmes choses. Mais aujourd'hui pour la première fois, depuis longtemps, je ne crois pas l'avoir fait par le passé, j'ai perdu mon calme face à quelqu'un qui pourtant me paie pour faire un travail quotidien. Jamais au grand jamais je n'ai été aussi frontale, aussi brutale comme peut l'être la vérité quand on a en face quelqu'un de soi quelqu'un qui déverse son stress sur votre anxiété en vous malmenant au prétexte que c'est bientôt les vacances et que vous serez seule à voguer sur le navire.

La vérité fait mal à entendre il est vrai mais j'ai décidé il y a très longtemps, quand j'étais le bouc émissaire de toute une classe, que plus  jamais je ne me laisserais faire. Je ne suis ni le paillasson sur lequel on essuie ses pieds crottés, ni un punching-ball qu'on valdingue à l'autre bout de la pièce pour passer ses nerfs. Je ne suis pas un robot mais un être humain, de chair, de sang et d'os et je ne sais pas si j'y ferai de vieux os.

J'en suis sûre même.

J'ai des épaules larges  certes, celles du taureau rassurant mais à force d'encaisser, le taureau a fini par charger et cela peut s'avérer sanglant. Pour une fois, ce n'est pas le toréro qui mate l'animal avec ses banderilles mais bien l'animal qui met à terre son bourreau. L'image est forte, certes, mais ce  harcèlement continuel, ces piques, ces réflexions pour des broutilles, ne peuvent pas perdurer éternellement. 

J'ai fait acte de résilience à de nombreuses fois dans ma vie et elle ne m'a pas épargnée cette sacrée garce ; ce n'est pas pour que que les névroses de quelqu'un d'autre essaient de percuter cet équilibre que j'ai fait enfin réussi à bâtir.

Et il y en aurait à dire sur la résilience et la capacité de résistance que j'ai eu  à éprouver durant ces longues années. 

C'est bien dommage d'en arriver là après avoir plusieurs fois pointé du doigt ce qui n'allait pas. Je me souviens de ces mots assénés comme une vérité intangible ce matin  : "on est tous dans le même train et je viens de déclencher l'alarme, et maintenant on fait quoi ?"

Maintenant on fait quoi ?

Moi je suis sûre de de ce que je ne veux pas, ne veux plus.

La vie est trop courte pour s'infliger ça.


dimanche 9 juillet 2023

En toute impunité

La France est le pays où j'ai grandi et fait mes armes en tant que citoyenne. Il faisait bon vivre dans les les années 80, même si, il ne faut pas être dupe, il y avait des inégalités, des injustices et des choses pas franchement belles à voir. Mais il y avait tout de même une forme de solidarité entre les classes. 

Cela fait maintenant pratiquement un an que j'ai quitté mon pays adoptif et je constate tristement que je ne reconnais plus ce pays qui m'a vu grandir. La fracture est aussi définitive et aussi nette que la faille de San Andrea le jour où la Californie se détachera des USA, j'en ai bien peur. Je suis triste mais surtout en colère. 

La haine prévaut ces temps-ci, attisée en cela par des gens qui ne respectent rien, et quand je parle des gens qui ne respectent rien ce n'est pas de la "racaille" des cités mais bien celle des cols blancs au gouvernement. Sous couvert de rassembler il ne fait qu'aggraver cette fameuse fracture en portant des œillères sur le mal-être et le mal-vivre des petites gens,  les méprisent  ; agitent l'épouvantail  d'extrême droite pour passer encore et toujours, ne donnant d'autre choix que celui de la peste et du choléra. Mais il ne faut pas se leurrer : gauche ou droite, la lente corrosion existe depuis une vingtaine d'année. 

Je suis écœurée.

Ecœurée de constater qu'on peut tuer en toute impunité. Certains  s'en font une joie de la mort de quelqu'un. Que ce quelqu'un soit un délinquant ou non, il ne méritait certainement pas qu'on applique sur lui la justice zéro, celle des déclassés par leur couleur de peau. A ce que je sache, la peine de mort a pourtant été abolie en France, non ? Sans honte bue, les gens se félicitent. Pour qui donc sonne le glas de l'insensibilité ?  

L'empathie n'est pourtant ni un défaut ni un gros mot. 

Je suis écœurée de la noirceur de mes concitoyens.

Fatiguée de voir que les classes dirigeantes, mais pas qu'elles, le blanc privilégié surtout, continue à se comporter comme au bon vieux temps des colonies, niant avec toute la mauvaise fois du monde qu'il y ait  un vrai problème de racisme à tous les stades de la société. Il ne tire aucune conséquence du marasme dans lequel on survit. La mauvaise foi à tous les étalages. Fais donc ce que je te dis mais pas ce que je fais. La révolution est passée par là mais pas les privilèges. Jusqu'au jour où cela pétera dans un grand feu d'artifice du 14 juillet.

Encore un peu et ce pays se transforme en chasse du comte Zaroff ou seul le plus riche pourra tirer sur le plus pauvre comme un lapin hors de son terrier.

Je suis ulcérée que quoi qu'il en coûte on ne remette jamais en cause cette institution qu'est la police : quand donc il y a-t-il eu de véritables peines exemplaires pour le dépositaire de la loi, qui justement n'est pas au dessus de la loi et à qui on donne un permis de tuer comme un 007 de pacotille ? 

Le racisme tue. Messieurs les censeurs anti tabac : apposez le sur les paquets de cigarettes : le racisme tue. Et la bêtise également. 

Chaque jour l'homme se comporte de manière inhumaine. Comme si c'était la fin des temps. Mais un jour viendra où le karma remettra l'équilibre dans la balance. 

Du moins je l'espère du fonds de mon cœur.

Allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé, défendons-nous de la tyrannie...
 


mardi 30 mai 2023

Coming out... so what ?

J'avais écrit un billet il y a très longtemps mais, le temps passant, et n'habitant plus en France où les mentalités, quoi qu'on en dise, ne sont pas si évoluées que ça... Bref, j'ai laissé l'eau couler sous les ponts. Pourtant ce thème du coming out m'interpelle encore maintenant et plus encore quand je lis les commentaires sur les réseaux sociaux lorsqu'une personnalité un tant soit peu célèbre s'exprime sur le sujet en se révélant au grand jour.

Ce qui me sidère ce sont les personnes qui s'en balek comme ils aiment à le clamer, en ajoutant que ces starlettes vivent leurs vies mais que les hétéros n'en font pas tout un plat (sous entendu "les hétéros n'en font pas, de coming out"). 

J'ai bien envie de leur rétorquer que : 

De une :  si tu t'en fous, pourquoi tu te fatigues à poster un commentaire ? Pourquoi tu ne traces pas ta route plutôt ? 

(Et il y aurait vraiment beaucoup de choses  à dire sur ce fléau des temps modernes, facebook, instagram et autres twitter devenus le déversoir des immondices qui polluent le cerveau des gens, enfin de leur poubelle intellectuelle) 

De deux : mes chers amis hétéros, c'est faux, tous les jours de manière inconsciente lorsque vous papotez avec votre collègue autour de la machine à café, vous clamez votre hétérosexualité à la face du monde en racontant votre week-end avec votre époux ou votre femme. Pensez-y. 

Pensez-y quand vous voudrez vous incruster sur une publication ouvertement LGBTQIA+ pour y déverser votre ignorance crasse, votre morale à deux balles et votre manie de tout ramener à la sexualité des individus. Ce que des humains font avec leurs culs, solo, à deux ou à plusieurs : ça ne vous regarde pas, tant qu'il s'agit d'adultes consentants. Et arrêtez de tout ramener à du cul justement parce que moi, ma plus belle histoire d'amour je la vis tout court avec une femme.

L'adage "vivons cachés, vivons heureux" c'est du bullshit. Nous n'avons pas à nous cacher pour ne pas vous gêner dans votre confort.

Nous sommes fier·ères et nous continuerons à marcher comme en ce bel après midi du mois de mai.




lundi 8 mai 2023

A nos amours et plus encore

J'aimerai parler de nous un peu plus souvent, ici, dans cet endroit que je déserte comme l'un de ces châteaux écossais que nous devrions visiter cet été. 

Alors, voilà ces quelques mots :

Nous sommes pareilles et différentes en même temps. Parfois ce sont nos différences qui  nous rapprochent et d'autres fois nos similitudes qui nous éloignent. 

Ta mine boudeuse comme à l'instant où tu sais que j'écris sur toi me fait sourire. Moi derrière mon écran et toi tentant de résoudre l'énigme de ce jeu que tu n'arrives pas à débloquer.

Nous nous respectons et pourtant quelques points nous séparent. Je sais que tu n'adopteras jamais mon mode de vie, mais tu acceptes mes conditions alors que nous vivons ensemble depuis quelques semaines, même si cela est provisoire, puisque tôt ou tard tu intégreras ton chez-toi à quelques encablures de tram de mon chez-moi. Et pourtant, pourtant tu fais en sorte de ne pas me heurter. Tu me demandes toujours la permission - je trouve ça mignon : si je t'ai fait de la place dans ce placard, saches  que c'est pour que tu te sentes ici la bienvenue. Toujours. 

Tu es calme et je suis un volcan souvent en éruption. Parfois le vernis craque et tu montres que toi aussi tu peux être un Etna. Nous apprenons l'une de l'autre. Et je serais toujours cette petite rebelle anarchiste et toi la plus modérée des deux, mais finalement pas tant que ça.

Je ne vais pas m'étendre. Savoir que nous avons nos rituels me plaît. Nous prenons soin l'une de l'autre. 

Savoir que nous avons construit un présent en filigrane de l'avenir que nous effleurons du bout des doigts est ce qui m'anime pour tracer notre route.

A notre première année. Trinquons, buvons, aimons-nous : tout le reste n'est que superflu. 



jeudi 2 février 2023

N'habite plus à l'adresse indiquée

Je me suis toujours demandée comment étaient les appartements dans lesquels j'ai vécu des années ; qui en sont maintenant les locataires et comment ils ont emménagé leur intérieur. On appelle ça de la nostalgie. Ou juste de la simple curiosité. Mais je suis certaine de ne pas être la seule à éprouver ce sentiment. 

Souvent quand je passais devais le numéro 306 de la rue Solférino, mon tout premier deux pièces à Lille, je me posais sans cesse cette question en levant ma tête au premier étage. Les rideaux étaient la plupart du temps tirés, signe que quelqu'un investissait les lieux. 

Certains croient aux fantômes. Moi je pense que les spectres sont tous ces gens qui ont vécus dans ces endroits. Leurs disputes, leur coups de colères. Leurs pleurs et leurs bonheurs. Leurs rires. Tous ces drames et petites ou grandes joies qui émaillent l'existence de tout être humain. 

Parfois oui, les drames sont plus profonds mais là on n'est plus dans le domaine du spectre mais de la malédiction. Et de temps à autre il s'agit sans doute de regrets d'avoir fait ou pas fait ; ou de remords de ne pas avoir été à la hauteur.

Certes, je l'ai sacrément aimé ce rez-de-chaussée de Wazemmes même si souvent je sortais pour m'accrocher à tous ceux qui éclusaient tranquillement leurs bières accoudés à mes grandes fenêtres en pensant que personne n'habitait là. La petite cour à l'abri des regards où nous en avons fêté des choses, anniversaires et autres raisons toutes trouvées pour juste simplement nous réunir. Ce long contre-champs vers la chambre, lorsque j'étais allongée sur le canapé. Mais il est aussi l'endroit où j'ai perdu une partie de ma famille ; ma famille à quatre pattes, mes petits poilus que je chéris encore aujourd'hui et que je pleure parfois à l'abri des regards. 

Alors, à ta question, mon amoureuse : non je ne regrette pas être partie, avoir quitté cet endroit dans lequel j'ai vécu durant dix longues années et imprégné de mon spectre fantasque chaque recoin de ces 58 mètres carrés. Toi qui t'apprêtes aussi à faire le grand saut vers un espace plus grand, je te dis et le répéterai sans cesse : ne regrette rien. Une page se tourne et il est bon de repartir sur un tableau propre, blanc. Je suis là en cas de coup dur ou de blues, ne l'oublie pas.

Nous sommes tous des fantômes qui hantons les maisons, nos anciens lieux de vies, mais contrairement aux spectres, nous nous  délestons de nos chaines à chaque nouveau voyage et, pour ma part, depuis que je suis ici, à Bruxelles, jamais ces chaînes ne me sont semblées plus légères. 




lundi 30 janvier 2023

La tête de l'emploi

Il faut croire que j'ai la tête de l'emploi. Une bonne tête bien sympathique qui ne peut jamais refuser quoi que ce soit, en l'occurrence donner une pièce. Cela m'arrive encore certes, de donner un euro, mais je le fais de moins en moins. Non pas par pure je m'en-foutisme de ma part, mais  c'est juste que j'en ai marre.

Marre d'être la cible privilégiée de tous ceux qui me demandent un peu d'argent sous prétexte que j'ai une bonne tête. Et c'est vrai que je suis plutôt quelqu'un de bienveillant. A croire qu'ils se refilent tous les bons tuyaux, les bonnes pommes telles que moi.

Oui mais voilà, depuis quelques années cela ne devient pas systématique. J'ai beau avoir le coeur sur la main, mon portefeuille lui n'est pas extensible. Et encore, à proprement parler ce n'est pas vraiment une question d'argent. Mais se faire solliciter de la sorte quasiment tous les jours au moins dix fois par jour ça fatigue. 

Je sais bien que ce n'est pas marrant mais à un moment je soupçonne ces "quêteurs" de choisir leurs "clients". Ainsi, ce weekend à Lille je ne compte plus les types qui se sont postés, voire incrustés trente secondes de plus en attendant je ne sais quoi comme si j'allais leur céder quoi que ce soit. Et je repense à ce type qui fumait dans la rame de métro, espace clos s'il en et qui insistait lourdement alors que je lui avais refusé poliment, tout en me balançant la fumée de sa clope dans la tronche. 

J'avoue : je vais finir par péter un plomb. Vous pouvez prendre dix pékins lambdas dans la rue ou sur un transport, devinez sur qui ça va tomber : sur moi bien sûr. J'ai le souvenir particulier d'un soir où j'étais chargée comme un baudet les deux mains prises alors que sur la place du serpent il y avait bien une demi-douzaine de gens tout autour de moi : BAM, c'est à moi qu'on a demandé de l'argent. Pour le coup je me suis énervée en demandant pourquoi il m'avait choisi moi, qui était pressée - vraiment, je courrais presque, et chargée surtout, et pourquoi pas les autres autour de moi ?

Si j'en parle ce soir, c'est que j'éprouve une certaine lassitude d'être celle qu'on harcèle pour ce genre de choses. Oui, le mot est fort et non comparable à ce que des jeunes filles ou femmes subissent avec des remarques graveleuses ou des insultes - j'en ai conscience. Mais quand quelqu'un vous pose trois fois la même question alors que vous faites mine de ne pas relever... j'apparente cela à une certaine forme de harcèlement, plus insidieux, moins grave ou méchant mais cela finit quand même par éprouver vos nerfs et votre capacité à ne pas gueuler une bonne fois pour toutes.

Ce soir donc, pour la énième fois, le type en face de moi n'a pas compris que je ne voulais pas répondre au fait que ma casquette était chouette ou mon écharpe blanche à cause du COVID (ce qui est faux puisque mon écharpe est grise) pour fatalement me demander si j'avais un euro à lui filer - comprendre me taxer avec ma bonne tête de l'emploi. Parce que j'ai beau être sur mon smartphone à essayer de passer le temps en attendant d'arriver à destination, rien n'y fait : c'est moi qu'on interpelle. Je devrais faire la gueule comme tout le monde ou adopter un visage aussi fermé qu'une porte de prison.

Notez que même avec mon casque sur les oreilles, la musique électro pulsant bien fort, on vient quand même vers moi pour me demander une petite pièce. A force d'être sollicitée, j'ai de moins en moins envie de donner. C'est con mais c'est comme ça.