Pour rebondir sur les "pots cassés" de Boubou, je voulais moi aussi apporter mes impressions en tant que fille d'immigrée, immigrée moi même par la force des choses puisque contrairement à elle, je suis née là bas – 2000 bornes à vol de pigeon, bienvenue chez Air Portugal. D'ailleurs c'est grâce à une discussion via msn que nous avions eue l'idée d'écrire un billet là dessus. Pour tout français de souche, la question ne se pose pas comme l'a si justement soulevé Sébastien. Dans une moindre mesure, en tant que petite portugaise mal fagotée et pas à l'aise, j'ai eu droit à mon lot de réflexions toutes aussi débiles les unes que les autres. Et des fois, honnêtement, il vaut mieux être sourde comme ce cher Ludwig, que d'entendre de telles bêtises.
L'avantage principal, il faut bien le dire, c'est qu'étant de confession catholique, il est plus facile de s'adapter à un pays qui est majoritairement de même confession que la vôtre. Encore que, même maintenant je cherche toujours la mienne, de religion, me considérant avant tout comme déiste plutôt que réellement catholique, malgré un parcours des plus classiques (baptême, communion et j'en passe). Mais ceci est une autre histoire, juste pour souligner le fait que, non, on n'est pas toutes et tous forcément ultra pratiquants parce qu'on vient de là bas.
L'apprentissage de la langue française a été très facile. En tant qu'étrangère – sic – le français est devenu pour moi ma langue d'adoption et, je le crains – hélas, je le parle bien mieux que ma langue maternelle, un comble ! La faute à personne ou plutôt au fait qu'il fallait tout simplement s'adapter le plus rapidement possible... et puis mes parents ne nous parlaient pas souvent en portugais ; pourtant cela me revient doucement mais quand je le parle, c'est avec un accent à couper au couteau.
Durant ma scolarité, mon patronyme m'a souvent posé problème. J'aime mon nom, hein, mais au regard de l'administration, j'ai toutes les peines du monde parfois à mettre mon nom au complet dans les petites cases que l'on veut bien m'attribuer. La plupart du temps, mes petits camarades écorchaient mon patronyme qui, franchement quand on le traduit, est des plus banal. Par dessus le marché, pour l'état civil portugais, nous héritons toujours du nom paternel et maternel. Je m'explique, d'abord vient celui de la mère, ensuite celui du père. J'ai donc un nom composé mais, fainéantise ou pas, les gens s'arrêtent tout le temps à mon premier patronyme – imaginez la tête de mon père qui n'est même pas mentionné, y compris par moi qui cède parfois à cette facilité...
Malgré ma bonne intégration à la société française, je le suis devenue il y a 13 ans en la demandant, j'ai quand même eu le droit à mon lot de remarques déplaisantes. Les "la valise en carton", "retourne dans ton pays" par un gamin bien plus jeune que moi, ou les plaisanteries douteuses sur ma supposée pilosité excessive, j'y ai eu droit. Préjugés quand tu nous tiens ! Durant l'enfance et l'adolescence, ce sont des remarques qui vous blessent indubitablement et durablement. Aujourd'hui, je ne réponds pas ; c'est stérile et je laisse les imbéciles à leur imbécilités. J'ai fait des études sans ne rien devoir à personne, à force de volonté et parce que j'aimais ça tout simplement – en ce sens je rejoints tout à fait Boubou, et je ne suis pas non plus aigrie en posant ce parcours noir sur blanc.
J'ai eu de la chance d'avoir une famille relativement ouverte qui ne m'a jamais imposé de suivre des préceptes religieux à la lettre – n'oubliez pas que le Portugal reste encore très ancré dans un ultra catholicisme que je déplore. J'ai le même sentiment que Boubou quand elle nous dit qu'elle se sent le cul entre deux chaises. Je l'ai déjà écrit ailleurs : ici ni toute à fait française, là bas plus tout à fait portugaise. Comme si un être humain résidait uniquement dans le lieu de sa naissance et non dans un ensemble – ses convictions, ce qu'il peut apporter comme richesse intellectuelle, culturelle ou par le travail.
Avec l'âge, cette dualité se gomme en un savant brassage de toutes mes influences. Je m'intéresse de plus en plus à mon histoire, mon passé, ce petit bout de terre à deux mille kilomètres de moi. J'essaie de partager, d'apporter ma voix, mon expérience.
En conclusion, je suis certes bien enracinée en France, mon pays d'adoption, mais je n'en oublie pas pour autant qu'il me reste un cep... un cep de porto. Le vin et ma ville, pour terminer par un petit pied de nez.
* L'aluzejo est une faïence de couleur bleue, que nous ont laissé en héritage les maures.
13 Avis intrépides:
rhalala les enfants et leurs moqueries :(
Au moins tu n'as pas fini concierge :D (je rigole !)
La vie est ce qu'elle est malheureusement. Toi tu as eu des moqueries sur tes origines, moi sur autre chose ...
bah moi chuis super poilue... et italienne ;) trêve de plaisanterie, j'aime bien quand vous parlez de cette double culture avec ses aspects positifs et ses points négatifs, ça ouvre l'esprit je trouve...
@ son altesse : euh, tu vas rire mais j'ai lu "moquette" (tu me diras ça rejoindra le (sys)t(h)èmen pileux). Les enfants peuvent être très cruels dans les cours de récré, je ne t'apprends rien, hélas. Encore que, je me demande s'ils ne reproduisent pas les réflexions de leurs parents... vaste débat.
@ la question : chi mais la madame elle est pas lach, elle est partiche chez lou médouchin. Plus sérieusement, on est toujours l'étranger de quelqu'un et puis les réflexions à la con, il faut passer au dessus. Bien sûr, ça demande du temps et de la maturité.
@ Plumevive : j'apprends que tu as des origines italiennes ! Le but en effet de ce double billet était de montrer un peu ce sentiment qu'on a d'être entre deux et à quel point c'est beaucoup plus positif et enrichissant d'intrégrer cette "double nationalité".
Je suis contente de lire toutes ces réactions! Tu as vraiment eu une bonne idée Intrépide!
Je pense comme toi que les moqueries en primaire viennent pour la plupart de ce qu'ils entendaient chez eux (je n'y ai pas échappé malheureusement... tu veux connaître celle qui revenait la plus souvent? "Je n'aime pas les arabes, mais toi je t'aime bien")
Juste une reflexion en passant, (j'ai pas eu le temps de tout lire)(faudra que je repasse) :
Quand tu parle de la langue francaise que tu parles mieux que ta langue maternelle, je peux t'assurer que tu la parle aussi mieux que beaucoup de francais "de souche".
Et c'est un expert en fautes d'orthographe qui te parle !
@ boubou : oui, j'ai déjà entendu des esprits soit disant éclairés qui avaient l'ignorance de déclarer "je suis pas raciste mais j'aime pas les arabes", encore plus stupide quand on sait qu'on doit parler uniquement d'ethnies pour l'espèce humaine...
@ fab : Merci pour le compliment mr le chinglish teatcher :). Je n'ai aucun mal en ce sens que j'ai toujours aimé lire et que le français est une très belle langue, complexe certes, mais admirable.
Bon le sujet ne prete pas forcement a de vaste jeu de mots foireux ... mais je l'aime ce sujet ... Parce qu'en tant que francaise depuis quelques generations (Ben oui pare que je suis normande aussi et qu'il y a quelques siecles la Normandie etait un duche autonome ...) et cevenole (et la moi je suis pas d'une famille hyper catholique mais d'une famille hyper protestante...) bref, je disais qu'en temps que fille nee et eleveee sur le sol de France, j'ai passee ma vie d'adulte a m'expatrier ... au Canada et aux USA ... et bien lorsque je vois l'integration (certes quelque peu rouleau compresseur), mais les efforts fait par les immigrants et les residents pour mixer les cultures et retirer le meilleur ... et bien moi je dit que l France devrait prendre quelques cours .... Je suis finalement comme toi et Boubou ... (et d'autres) a cheval sur deux cultures, sur deux continents (tiens mais c'est pour cela que j'ai debute un blog d'ailleurs !!) et je trouve cela vraiement enrichissant ... Nous avons Mesdemoiselles une double culture qui nous eleve, qui nous permet de voir sous au moins deux axes differents les choses de la vie ... Nous avons une chance incroyable .... et si c'etait cette chance la que les "autres", les petits, les railleurs etaient jaloux ?
Ah, si tu m'entraînes sur le côté historique, t'en as pas fini (vu que je suis une grosse tarée de médiéviste).
Plus sérieusement, je me sens certainement mieux dans mes baskets de quadra qu'il y a 20 ans. Je te rejoints sur la chance qu'on a toutes les 3 et je déplore l'étroitesse d'esprit de certains. Ce qui fait la richesse d'un être humain c'est justement sa différence. Tiens, pas plus tard que toute à l'heure, j'ai discuté avec un charmant vieux monsieur habitant Notting Hill !
Chouette une historienne ... mo je suis 16/17emiste !!!! Arff ... on va faire fuir tout le monde !
Ouarf une "moderniste". J'aurais sans doute fait un mémoire sur cette période si ma fascination pour l'histoire médiévale n'était pas plus importante.
Ah ah ... Pour moi c'etait "La revolte des nus-pieds en Basse Normandie de 1634 a 1639" ... Il me faudrais faire un post sur ce sujet ... Seulement je ne suis pas sure de passionner les foules avec ca !
Je crois que te battrais à ce jeu là : mon sujet était une monographie hospitalière (mon patelin d'origine) et si parle de ma passion pour la Mésopotamie ancienne, je fais fuir tout le monde.
Pour ce qui est de ton billet, tu auras au moins une lectrice : moi ! (y a pas à dire, les historiens sont une "classe" de déjantés)
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