mardi 20 octobre 2009

Invitation au voyage - deuxième partie

Pendant deux jours, la logistique devenait l'affaire de chacun. Il fallait gérer les nombreux arrêts pipi – bien sûr, nous n'avions pas tous envie en même temps ; c'eût été trop facile. Il fallait calculer les pauses déjeuners, scruter la route aux alentours de midi afin de noter les aires d'autoroutes relativement propres dans lesquelles on s'arrêterait, si possible tranquilles.

Pour mon mal de transport, j'avais trouvé une parade. Soit je dormais, soit je regardais le paysage qui m'hypnotisait. La méthode n'était pas efficace à 100 %, il va sans dire... A mesure que les kilomètres s'affichaient au compteur, mon teint devenait dangereusement de plus en plus blanc... et puis, quand on est timide comme moi, y compris dans le cercle familial, je vous laisse visualiser la catastrophe lorsqu'il s'agir d'avouer enfin qu'on est bel et bien malade et que ça commence à faire du grabuge dans l'estomac... amis de la poésie, bonsoir. Pour passer le temps, donc, nous avions coutume de nous amuser à un jeu que beaucoup d'enfants ont sans doute eu l'occasion de jouer une fois enfermés dans ces boîtes de conserve ambulantes. Chacun notre tour, nous devions deviner de quel département venait les voitures d'après leur plaque d'immatriculation, accessoirement de quel pays aussi. A ce jeu je n'étais jamais dans le trio de tête. Plus tard, sur les bancs de la fac, les choses ne sont pas améliorées et j'ai toujours été nulle en géographie - que voulez-vous y faire ?!

Agacé par notre babillage incessant, notre père finissait par nous intimer l'ordre d'arrêter de pinailler ; quand ses limites étaient atteintes, il tournait le bouton de la radio et nous nous taisions alors... enfin tout dépendait du style de musique qui était diffusée. Je me souviens parfaitement d'un voyage au cours duquel nous nous sommes coltinés du Ginette Reno. Je n'ai rien contre cette pauvre Ginette, mais comment dire, ce n'est vraiment pas ma came... je ne sais pas si vous avez eu la chance (?) d'écouter les paroles de ses chansons, il y a de quoi attraper un fou rire quand on est épuisés par le trajet. Et je n'ai même pas honte ! Pour parachever l'histoire du mal de transport, quand nous eûmes le break Volvo, mon plus jeune frère et moi étions toujours sur les "strapontins" qu'on rabattait, en sens inverse de la marche – c'était le modèle qui voulait ça. Ce qui ne m'a pas aidé à guérir ce fichu mal de la route, loin de là. Depuis, dès que je prends le train, je m'arrange toujours pour retirer un billet dans le bon sens. C'est un réflexe chez moi.

2000 kilomètres confinés dans un petit habitacle génère évidemment des conflits, d'autant qu'il est d'usage entre frères et soeurs de s'envoyer continuellement des piques. Chaque fois que nous faisions une pause, c'était donc la possibilité de déverser toute cette énergie en nous dégourdissant les jambes comme de jeunes chiots impatients de récupérer la baballe... d'ailleurs, le chien faisait de même en honorant tous les arbustes des aires de repos.

Justement, parlons-en de ces fameuses aires de repos !

Pour nous, enfants, c'était un mini parc d'attraction. Grâce à ce vieux futé de bison, nous avions la possibilité d'obtenir des cadeaux – pas grand chose, mais nous possédions des échantillons de toute sorte (crème de toilette pour bébé, lotions rafraîchissantes) qui nous faisait parfois office de monnaie d'échange – changer de place dans la voiture par exemple. La nuit, ces aires étaient traversés de milles bruits plus ou moins rassurants, entre ronflements et cris de chouettes, sans compter la voracité des moustiques – qu'ils soient français, espagnols, ou portugais, ces bestioles n'en n'ont cure de votre nationalité ou de la langue que vous parlez. L'escadron faisait une razzia directement sur moi... forcément, donneuse universelle.

Quant à l'hygiène durant un tel voyage de deux jours, on peut évoquer délicatement les lavabos bouchés ou à la propreté douteuse aussi et, quand par miracle il y avait une douche, c'était Byzance mais la file était longue avant de profiter des bienfaits de l'eau lorsqu'il en restait justement, de l'eau chaude. Par la suite, avec la caravane, les conditions s'amélioreraient nettement.

Au bout d'environ 48 heures de route, nous arrivions enfin en vue de la terre natale. Dès qu'on était en Espagne, nous étions déjà dépaysés par les sonorités gutturales des habitants, et leur monnaie, larges billets neufs craquant sous nos doigts, que nous dépensions allègrement en sucreries écoeurantes et en eaux pétillantes. L'arrivée à la frontière portugaise nous électrisait davantage. J'essayais de faire en sorte de rester éveillée lors de ce passage pour je ne sais quelle raison. Voir tous ces phares allumés les uns à la suite des autres et le douanier, qui tendait la main à travers la vitre baissée afin de vérifier nos passeports, avait quelque chose d'émouvant. Nous savions alors que, ça y était, nous étions en vacances et que bientôt nous allions nous replonger dans nos souvenirs d'enfance parmi nos cousins du Portugal.

A suivre...

6 Avis intrépides:

Plume a dit…

J'ai eu droit à belle visite, retour en enfance. Nous nous n'étions que 2, et parfois papa jouait aussi au jeu des départements ! Nous ne partions pas au Portugal mais peu importe, l'histoire reste la même :)

Merci, c'est très réussi

Lu' a dit…

Ahhhh la suite! Quel plaisir de la lire! ça me rappelle plein de choses!

boubou a dit…

Des souvenirs en commun! Ah! Les aires d'autoroutes!

ma vie intrepide a dit…

@ plumevive : j'ai oublié de noter en bas qu'il y avait une suite. C'est marrant comme certaines sensations remontent à la mémoire lorsqu'on écrit

@ Lu : il y a troisième et dans doute dernière partie.

@ Boubou : ah, si les aires de repos n'existaient pas !

Guillaume a dit…

ton histoire me rappel mes souvenirs d'enfance dans ces voyages marathon ^^

ma vie intrepide a dit…

Le but justement était de montrer que, quelque soit la destination, on a tous ces souvenirs en commun.

Petite curiosité de ma part : où allais tu pour que ce soit un voyage marathon ?