Trottiner dans les rues pavées au cordeau qui mènent tout droit à l'océan, là où les sirènes n'existent plus que dans le bestiaire des rêveurs. La serviette de bain dans le sac de plage, les pieds sanglés dans des sandales usées mais confortables. Anticipant le plaisir de passer, en rentrant, dans un "salão de chà" pour y manger quelques douceurs en buvant un coca bien frais ou pourquoi pas, tout simplement un thé noir ?
Longer la côte nonchalamment. Regarder d'un oeil attristé le banal spectacle des détritus jonchant le sable fin, jetés là par des touristes sans peur ni reproche, pourvu qu'ils laissent quelques billets dans l'escarcelle. S'arrêter un moment pour regarder le phare, intact et sali, fidèle boussole des marins en perdition. Le regarder une ultime fois avant que la marée ne reprenne son ascension dévorante.
Se souvenir qu'on a été ici et là, à la "pêche " aux mûres sauvages, en se barbouillant les genoux et les coudes des fruits éclatés car la gourmandise nous dicte sa loi – d'ailleurs la bouche est là pour en témoigner ; ne plus savoir si c'est bien là le suc des fruits ou encore les écorchures que l'on s'est fait sur ces traîtres rochers.
Traverser la rue en ne regardant ni à droite ni à gauche – quelle inconscience ! - mais en sachant que nul chauffard ne surgira dans cet après midi étouffant où tout le monde fait la sieste, les petits comme les grands. Ouvrir la porte de l'épicerie où la clochette tintera, vous annonçant, en quête de friandises, de celles que l'on ne trouve pas ici ; des gommes à mâcher que l'on adore entre toutes aux saveurs variés – fruits des bois, fruits rouges et banane, et autres plus exotiques. Compter ses sous avant de les tendre, hésitante, en se disant que les adultes vous donneront bientôt quelques pièces.
Regarder la grand mère vêtue de noir comme ces veuves qui sont seules depuis tant et tant d'années ; la regarder se diriger vers le fond du jardin et ne pas vouloir assister à la mise à mort, entre coq, poule et lapin.
Puis les dîners en famille où l'on doit chercher des chaises supplémentaires chez les voisins. S'entendre dire qu'on est malingre et cette phrase devenue rituelle "come rapariga" (mange ma fille).
Jouer au ballon dans la cour, cousins et frères mélangés. Pousser un cri de désespoir quand il atterrit chez "o velhote", acariâtre et bougon, dérangé une nouvelle fois par ces garnements que nous sommes le suppliant de nous rendre notre trésor.
Entendre la sirène des bateaux qui rentrent au port, la nuit, enfouie sous les draps comme le faisait mon grand père avant moi. Ne pas pouvoir dormir autrement, curieusement comme si l'héritage c'était cela, ces petites manies étranges qui sautent une génération.
Partir tous ensemble une nuit et ne pas s'en souvenir. Traverser la frontière. Plus loin, la liberté. Devoir apprendre une nouvelle langue. Affronter ces regards étrangers... mais non, puisque les étrangers ce sont nous.
Revenir, un peu, beaucoup, comme ces milliers de touristes chaque année. Réapprendre ces mots qui ne viennent pas tout de suite, ces phrases qui ont du mal à sortir, cette langue qui fourche car désormais l'on pense en français. Petit à petit, se débrouiller, baragouiner, se faire comprendre, se faire charrier avec cet accent qui n'est plus celui de là bas.
Grains de sable pour ne pas oublier qui je suis, d'où je viens, même si tous ces souvenirs qui remontent sont ceux de la vie que je mène depuis que je ne suis plus dans ma terre, mais qui sont nés de ma plume cette nuit ; fragments sélectifs quand j'y retourne comme en pèlerinage. Fille d'immigrés.
Mon pays. Mon petit pays. Je t'aime beaucoup. Terra pobre cheia de amor. Merci Cesaria.
7 Avis intrépides:
Fort Boyard m'a valu un fou rire :D Avec mon âme de non sportive, je ne risque pas d'aller là-bas... surtout pour les insectes! Et ce n'est pas la Crète :p
Non c'est en Europe et ça commence par C (je t'aide beaucoup!) et si tu trouves la réponse envoie-moi plutôt un mail!
Joli récit qui incite à la découverte... A quand remonte ton dernier séjour ?
@ Marine : nulle en géo comme je te l'ai dit !
@ AMF : ça fait 10 ans, trop longtemps (: Hum toujours pas de mia ?
Diantre, il faut y retourner !!!! Pour le mia, j'ai toujours pas réussi à bouger mon corps !!!
Tout ca donne envie de venir y faire un petit tour... apres la Chine peut-etre !
et je crois qu'il est de rigueur de dire : Beijinhos !
(si mes souvenirs sont bons)(c'est une amis qui m'avait apris des "bases" au lycee)
@ AMF : mais la question est, y a t'il au moins des photos pour le mia :) ?
@ Fab' : oui, on dit bien beijinhos. L'autre classique étant "até manha si Deus quiser".
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