Disons le tout net, s'il y a bien un endroit dont je suis fan à Lille, voire nostalgique, c'est ce ce joyeux bordel qu'est le marché de Wazemmes. Un mix entre souk oriental avec le fumet du poulet hallal et de la menthe fraîchement coupée pour vous flatter les narines, le marché couvert central avec ses spécialités culinaires méditerranéennes – ah le salpicao et les tremos*, les bonnes affaires à chaque coin de rue et les troquets qui débordent sur le trottoir afin de mieux happer le chaland – c'est toujours agréable de prendre l'apéritif en bonne compagnie, et en celle du soleil. Durant 5 ans, j'ai habité un quartier très typique et très pittoresque, pour lequel j'avais déjà écrit un billet sur mon ancien blog – à l'occasion, et si vous me le demandez gentiment, il n'est pas exclu que je le reposte ici. Oui, on appelle ça du recyclage.
J'y étais pendue chaque semaine, évitant soigneusement de m'y rendre le dimanche, sauf si, par pur masochisme de ma part, je voulais me faire écraser les pieds ou bousculer par quelques énergumènes peu soucieux de la politesse. Je pouvais y rester facilement toute la matinée, me "perdre" dans les allées, revenir sur mes pas, comparer les prix, me décider à la fin pour finalement me rétracter après une ultime hésitation ; hésitation qui était toujours le fruit de cette question récurrente : "En ai-je réellement besoin ?". Y aller maintenant relève de la même gageure que celle de me faire une toile. Désormais je fais en sorte de coupler ma visite au marché de Wazemmes avec une excursion, obligatoire celle là... comme, par exemple, mon entretien bimensuel avec ma conseillère pôle emploi. C'est bien connu : après l'effort, le réconfort !
En m'excentrant donc, me voilà frustrée, frustrée au point de me rabattre sur le petit marché de quartier de mon nouveau chez-moi. Enfin, le mot rabattre est un brin excessif ; de même que le mot nouveau. Je suis une personne aux habitudes ancrées. Dès que j'ai un bon plan, hop, je prend le pli. A peu près chaque jeudi, l'Intrépide débarque sur la place du marché avec son caddie – pas un caddie de mémère hein, la casquette vissée sur les cheveux ébouriffés - tiens faut que je prenne rendez-vous chez le coiffeur, moi. Et comme je suis une personne d'habitudes donc, je fréquente fatalement toujours le même étal, celui de mon marchand des 4 saisons. J'aime utiliser ce terme désuet mais qui reflète bien le travail quotidien d'un maraîcher. Sinon, on peut l'appeler également "mon revendeur de salades" mais ça sonne déjà un peu plus Weeds... N'oubliez pas qu'il faut nourrir toute une maisonnée, soit deux adultes et deux lapins ! Les plus capricieux ne sont pas forcément ceux que l'on croit d'ailleurs.
Après un an et demi, mon maraîcher et moi avons établi une relation qui va au delà de la simple relation cliente/commerçante. Il s'est établi un rituel qui commence par le claquage de bise, suivi par le "comment ça va ?", sincère, et non juste la formule de politesse, les questions sur les lapins, les blagues continuelles... Et on évite surtout de parler de la pluie et du beau temps, s'il vous plaît ! D'ailleurs, en tant qu'habituée forcenée, s'il n'est pas là – c'est très rare, je rebrousse chemin. Il faut dire aussi que deux méridionaux qui se rencontrent, forcément, ça papote...
En tant que bonne cliente – le caddie déborde toujours, mon revendeur de pissenlit, carottes, potiron et autres oignons rouges, a pris lui aussi l'habitude de me faire à chaque fois un petit présent. Certes, il s'agit là d'un geste commercial, de fidélisation, mais ces attentions me font toujours plaisir. Parfois il s'agit d'un simple citron, de persil ou de fanes pour mes lapins. Aujourd'hui, j'ai eu droit à un ananas ! Alors, outre les cadeaux, la bonne humeur, les fous rires, et la perspective de sortir me frotter aux habitants de mon quartier, pourquoi continuerais-je de regretter éperdument ma promenade hebdomadaire au marché de Wazemmes ? C'est simple, quand j'y vais et que je veux me ravitailler, devinez à quel étal je passe ? Oui, parce évidemment, il tient également boutique à Wazemmes... CQFD.
* Orthographe portugaise des plus incertaines !
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