lundi 7 décembre 2015

Mon cher immeuble... Mes chers voisins...

 L’immeuble ne paie pas de mine. Il aurait bien besoin d’un relooking extrême tant la façade est fanée. La devanture, véritable vitrine, jadis boucherie, attire inévitablement badauds et passants, qui s’installent régulièrement sur les rebords des larges fenêtres, en éclusant à qui mieux mieux leur canette de bière de mauvaise qualité – il y a un Lidl non loin. Ou encore en laissant restes de sandwich et papiers d’emballage. 
 
Mais cet immeuble, qui ne paie pas de mine, révèle pourtant des trésors ; un chaleureux cocon où, comme dans une famille recomposée, chacun y trouve sa place dans un joyeux bordel... ou  encore un calme tout relatif après la tempête du samedi soir. Celle ou celui qui décide d’y poser ses bagages n’a plus vraiment envie de quitter ces lieux.

Prenez par exemple le dernier étage. On grimpe bien vaillamment les deux premiers escaliers puis, passée cette étape importante, le souffle se fait plus rare tandis que la minuterie s’éteint automatiquement au bout des 75 secondes fatidique. La peste soit de cette minuterie lorsqu’on se retrouve coincé(e) dans le noir le plus total en tâtonnant pour atteindre le bouton. Sésame ouvre toi… non, en fait, plutôt « et que la lumière soit ».

On arrive enfin, le râle digne d’un orque échoué sur la plage.

Honneur aux dames, d'abord :

Il y a M. 
 
M. la sportive aux dreads qui arrivent jusqu’au bas des reins. Elle frappe parfois à votre porte pour savoir comment ça va, vous donner un coup de main à l’occasion quand vous avez subi les outrages d’une inondation ; arrive juste au moment où vous avez le plus besoin, l’instant où vous êtes à deux doigts de péter un câble parce que la soirée part à vau-l’eau, sans faire de mauvais jeux de mots. Vous partagez un peu de bon vin tout en commentant un film de vampires de manière drolatique et vous vous rendez compte que vous avez passé une bien belle soirée,  en définitive ; spontanée certes, mais qui vous redonne le moral à votre blues permanent.

Puis il y a son colloc’ J.

On appelle J. par son diminutif, toujours, jamais par celui qui est inscrit sur la boîte aux lettres. Cette même boîte que le facteur s’évertue à inverser en glissant le courrier au petit bonheur la chance.

J. a toujours un sourire aux lèvres, un sourire qui donne foi en l’être humain parce que vrai. C’est un jeune homme affable et de bonne humeur, qui vous sauve votre soirée en changeant cette maudite roue de vélo qui ne veut décidément pas sortir de sa gaine. J. est musicien également, et parfois on entend un son mélodieux venir de là-haut – les cieux du 3ème étage. Apaisant et agréable. Vous risquez de tomber sur un bœuf improvisé où il claque quelques mesures sur sa guitare folk. Alors vous vous asseyez car vous êtes conviée à la bière de l’amitié ; celle où l’on prend le temps de se poser après une rude journée.

Un étage plus bas, vous avez B., l’ancien étudiant qui travaille de nuit et que vous croisez quand il s’en va justement au turbin, comme un de ces millions de galériens, dont vous faites partie, aussi. Vous lui trouvez la mine bien pâle. Vous vous inquiétez alors, lui demandant comment ça va, et écoutant attentivement la réponse à la question, parce qu’un « ça va ? » est plus qu’une formule de politesse. 

Vous le voyez souvent nanti d’un sac – il va faire ses courses au Carrefour du coin, ou d’un sac à dos tout court – il s’en va pour quelques jours. B. est un jeune homme très discret. Il aime recevoir et il n’est pas rare qu’on entende des éclats de rire dans le couloir, à l’arrivée comme au départ. 
 
Encore plus bas, juste au dessus, il y a le petit nouveau, le benjamin de la famille, M. Quoique, niveau taille, le benjamin est, comme souvent, le plus grand de la fratrie.

M. avec son look de petit fils à papa sur qui on s’arrête la première fois en ayant un sourire aux lèvres. Pensez-donc, ici on est dans un quartier bohème à défaut d’être bobo. Mais il ne faut pas se fier à cette première impression, qui est fausse, comme parfois les premières impressions. M. est en fait quelqu’un de raisonnable qui s’inquiète de savoir s’il n’y a pas eu trop de bruit le soir où il y a eu du monde chez lui. Et ça, croyez-moi, ça vaut tout l’or du monde et rend plus supportable les soirs où les basses sont un peu trop fortes. 
 
Et, enfin, revenons à la façade. Le rez-de-chaussée. Votre serviteur. L’aînée.

Il y a moi donc, avec son côté maternel un peu italien, certainement méditerranéen et foncièrement latine, qui aime cuisiner pour tout le monde parce que, hérédité ou non, votre serviteur ne peut s’empêcher de cuisiner pour tout un régiment - les proportions et nous, ça fait deux ! Il y a moi aussi qui, avide de partager, prête bien volontiers ses rêves pelliculés sur DVD achetés d’occasion. Celle aussi qui ouvre volontiers la porte quand elle comprend que, on a beau s’acharner sur la serrure, celle-ci ne veut pas céder.

C’est un immeuble qui ne paie pas de mine, c’est vrai, mais comme dans toute alchimie, il ne faut surtout pas se fier aux alliages. Comme pour toute première rencontre, il ne faut pas se fier à l’apparence mais laisser le temps faire son œuvre comme tout vin qui se bonifie avec l’âge.

L’apparence est, comme souvent, trompeuse.
 


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