lundi 30 janvier 2023

La tête de l'emploi

Il faut croire que j'ai la tête de l'emploi. Une bonne tête bien sympathique qui ne peut jamais refuser quoi que ce soit, en l'occurrence donner une pièce. Cela m'arrive encore certes, de donner un euro, mais je le fais de moins en moins. Non pas par pure je m'en-foutisme de ma part, mais  c'est juste que j'en ai marre.

Marre d'être la cible privilégiée de tous ceux qui me demandent un peu d'argent sous prétexte que j'ai une bonne tête. Et c'est vrai que je suis plutôt quelqu'un de bienveillant. A croire qu'ils se refilent tous les bons tuyaux, les bonnes pommes telles que moi.

Oui mais voilà, depuis quelques années cela ne devient pas systématique. J'ai beau avoir le coeur sur la main, mon portefeuille lui n'est pas extensible. Et encore, à proprement parler ce n'est pas vraiment une question d'argent. Mais se faire solliciter de la sorte quasiment tous les jours au moins dix fois par jour ça fatigue. 

Je sais bien que ce n'est pas marrant mais à un moment je soupçonne ces "quêteurs" de choisir leurs "clients". Ainsi, ce weekend à Lille je ne compte plus les types qui se sont postés, voire incrustés trente secondes de plus en attendant je ne sais quoi comme si j'allais leur céder quoi que ce soit. Et je repense à ce type qui fumait dans la rame de métro, espace clos s'il en et qui insistait lourdement alors que je lui avais refusé poliment, tout en me balançant la fumée de sa clope dans la tronche. 

J'avoue : je vais finir par péter un plomb. Vous pouvez prendre dix pékins lambdas dans la rue ou sur un transport, devinez sur qui ça va tomber : sur moi bien sûr. J'ai le souvenir particulier d'un soir où j'étais chargée comme un baudet les deux mains prises alors que sur la place du serpent il y avait bien une demi-douzaine de gens tout autour de moi : BAM, c'est à moi qu'on a demandé de l'argent. Pour le coup je me suis énervée en demandant pourquoi il m'avait choisi moi, qui était pressée - vraiment, je courrais presque, et chargée surtout, et pourquoi pas les autres autour de moi ?

Si j'en parle ce soir, c'est que j'éprouve une certaine lassitude d'être celle qu'on harcèle pour ce genre de choses. Oui, le mot est fort et non comparable à ce que des jeunes filles ou femmes subissent avec des remarques graveleuses ou des insultes - j'en ai conscience. Mais quand quelqu'un vous pose trois fois la même question alors que vous faites mine de ne pas relever... j'apparente cela à une certaine forme de harcèlement, plus insidieux, moins grave ou méchant mais cela finit quand même par éprouver vos nerfs et votre capacité à ne pas gueuler une bonne fois pour toutes.

Ce soir donc, pour la énième fois, le type en face de moi n'a pas compris que je ne voulais pas répondre au fait que ma casquette était chouette ou mon écharpe blanche à cause du COVID (ce qui est faux puisque mon écharpe est grise) pour fatalement me demander si j'avais un euro à lui filer - comprendre me taxer avec ma bonne tête de l'emploi. Parce que j'ai beau être sur mon smartphone à essayer de passer le temps en attendant d'arriver à destination, rien n'y fait : c'est moi qu'on interpelle. Je devrais faire la gueule comme tout le monde ou adopter un visage aussi fermé qu'une porte de prison.

Notez que même avec mon casque sur les oreilles, la musique électro pulsant bien fort, on vient quand même vers moi pour me demander une petite pièce. A force d'être sollicitée, j'ai de moins en moins envie de donner. C'est con mais c'est comme ça. 



mardi 27 décembre 2022

Bus et tram : pas d'amalgame*

Cela faisait bien un moment que je n'avais pas narré mes nouvelles aventures dans les transports en commun, ce microcosme de la société, d'autant que depuis que j'occupe ce nouveau boulot - à vingt minutes à peine à pieds de mon chez moi, je n'ai pas souvent l'occasion d'aller en ville. Les seules occasions sont quand je rejoins mon amoureuse au cinéma - elle, les places ; moi le pop corn et toutes les sucreries inimaginables, ou bien encore quand je prends mon sac pour passer le week-end chez elle.

Bref, je n'ai donc pas souvent l'occasion de traîner du côté de la porte de Namur, là où se trouve le centre névralgique de la guerre commerciale que se livrent toutes les échoppes plus ou moins bon marché. Accessoirement, là où se trouve également mon nouvel opérateur téléphonique / Télé / internet : je ne suis pas encore domiciliée "bancairement" parlant, mais ça arrive bientôt. Vive les multiples démarches administratives. 

Je n'ai pas coutume de narrer mes observations dans le bus ou le tram, mais ce soir-là il y a eu une accumulation de scènes cocasses.

Plantons le décor : je cours donc porte de Namur afin de trouver le cadeau de Noël pour mon amoureuse. J'ai déjà ma petite idée. Subrepticement, j'avais photographié ce qui semblait l'intéresser particulièrement il y a deux semaines à la Fnac, pour ne pas la nommer. Ma douce étant partie en vacances dans sa famille, je me disais que cette semaine serait idéale avant que son avion n'atterrisse et que nous passions le cap de l'année ensemble. 

Manque de pot, mauvaise pioche : le cadeau que je convoitais n'étais plus disponible. Pour la petite histoire je l'ai trouvé dans une  boutique dans la galerie marchande. Ouf. Pas de catastrophe en vue, pour cette fois !

Prendre le  71 est une épreuve des plus intenses surtout à 19h. Je pense que ce bus doit être le plus rempli de la capitale. C'est donc fichu pour le respect des distances sociales. Le petit jeune homme me laisse s'asseoir à mes côtés : ça tombe bien, nous descendons tous les deux à Buyl. 

Tout d'abord, ce sont les cris du bébé qui strident nos tympans. Ce n'est pas grave. C'est certes désagréable mais nous avons tous criés de cette façon quand nous étions petits, dis-je aux deux enfants qui se moquent gentiment du nourrisson, soulignant les propos de leur mère trente secondes plus tôt. Tout cela dans une bonne humeur enfantine, oserais-je. 

Puis mère et enfants se glissent sur les fauteuils derrière moi et je ne peux m'empêcher d'intervenir dans leurs jeux : trouver un nom d'animal qui commence par... alors je me lance dans EL (éphant) avec un sourire complice. 

Arrivés à Flagey, un drame se noue : la jeune fille qui vient juste de descendre tape de nouveau à la porte du chauffeur pour grimper dans le bus et ce n'était pas prévu. Hélas, elle vient de se rendre compte qu'on lui a dérobé son portable. C'est la deuxième fois. Elle tente d'appeler son numéro, grâce à un smartphone que quelqu'un lui a gentiment prêté, mais rien n'y fait. Certains passagers essaient de l'aider comme ils peuvent en leur suggérant des solutions. Puis le chauffeur intervient et lance un appel à la centrale pour résumer ce qu'il vient de se passer, au cas ou l'objet soit juste perdu. Enfin c'est ce que je devine car je ne parle pas, encore, néerlandais. 

Je sais que ce n'est pas drôle ce genre de mésaventure, qu'il m'est arrivé la même chose mais avec plus de violence. J'en ai déjà parlé ici. C'est surtout tout ce qu'il y a dedans que l'on perd, bien plus qu'un téléphone, aussi élégant ou dernier cri soit-il.

Au moment de sortir à Buyl, ma correspondance pour le tram 8, je n'ai pas pu m'empêcher de rebondir sur le jeu des enfants, celui de toute à l'heure, où j'entends distinctement le garçon demander à sa sœur un nom d'animal commençant par M. Alors je balance mon prénom, qui commence par M. justement.  

Je crois que je les ai bien fait rire. 

Mais ce n'est pas tout. En tentant de trouver une place assise dans le tram, le monsieur devant moi avec ses grandes jambes se fait tout petit pour que je puisse me glisser moi aussi dans le siège d'en face, tout en déposant mes sachets pour les caler. Son attitude très polie me donne le sourire, alors je lui répond par mimétisme "que ce n'est pas grave, que le tout c'est de s'adapter" : lui avec ses grandes jambes, moi avec mes paquets. 

Le bémol de ce trajet animée s'il en fut : cette mère et son fils qui n'arrêtaient pas de regarder derrière moi comme s'ils se moquaient de la personne sur la banquette - ou de moi, qui sait ? Je ne saurais affirmer ou infirmer car ils parlaient en russe.

C'est cela aussi, prendre les transports : regarder, observer, sourire, partager des instants de fous rires ou de conversations.

Rien à voir avec les mésaventures avec Bla Bla Car de vendredi dernier en tout les cas !



* On dirait un slogan pour la STIB. Ce titre ne veut rien mais je trouvais que ça sonnait bien. 

jeudi 22 décembre 2022

Lettre à ceux-là

Je ne suis pas malade. Je ne suis pas une impie. Je ne serai pas vouée aux gémonies malgré tout ce que peuvent scander les Eglises et toutes les Saintes Ecritures. 

J'aime un être, de toute mon âme.

J'aime un être  qui s'avère être une femme.

Profondément. Pour la vie qu'elle partage avec moi. Cette femme que je veux chérir, choyer, protéger jusqu'à l'infini et la fin des temps. Si elle veut bien de moi. 

Et si ça vous gêne, vous choque ou vous fait froncer le nez à chaque fois que l'on se donne la main en public, ce n'est pas grave. Ce n'est pas un problème pour moi mais c'est le votre, de problème, et j'ai fort à faire avec mes névroses.

 Alors...

 Passez votre chemin. 

 Je vous emmerde. 

 Amicalement.

 M.



NB : A Bruxelles  les gens sont plus ouverts d'esprits dans l'ensemble. Il n'y à qu'à voir le jour de Gay Pride. Je n'ai donc pas vécu ce type de regard insistant, méprisant ou  dans le jugement comme on peut le rencontrer en France ou ailleurs. Ce soir c'était un cri du coeur. J'avais envie de tacler tous ces culs-bénis qui, au nom d'une religion ou d'une fausse croyance (le fameux : c'est contre-nature) se permettent de se mêler de ce qui ne les regarde pas. L'amour n'a pas de couleur, ni de sexe, ni de frontières. Alors allez-bien vous faire... ce que vous voulez : ça peut vous ouvrir des perspectives à défaut de vos chakras. Fuck You. Sincerely.

lundi 5 décembre 2022

Voir ce que les autres ne voient pas

Souvent je m'arrête dans la rue et je colle mon nez sur le mur qui m'intrigue. Ce qui peut paraître curieux en fait... Quand je me promène, mon oeil a tendance à accrocher des signes que les autres ne voient pas forcément.

Quand j'habitais Lille, il m'arrivait régulièrement de me planter devant un graff ou juste une inscription. Et ça intrigue, forcément, qu'un badaud lambda reste immobile, le regard  un poil hypnotisé, et les sourcils froncés comme s'il tentait de déchiffrer les mystères de la pierre de Rosette. Mon regard essaie de transcrire la petite phrase que nul ne lit parce que trop occupé à battre très vite le bitume, comme si le temps ne se rattrapait pas. C'est vrai, le temps perdu ne se rattrape pas. Mais parfois il est bon de bloquer l'aiguille des minutes et de s'en donner du temps ; tenter de comprendre ce que ces artistes de rue éphémères ont voulu faire passer comme message.

Quand celui-ci m'inspire particulièrement, il m'arrive fréquemment de le prendre en photo. Quand celui-ci me parle plus profondément, il m'arrive également de le poster sur ma page instagram. J'ai le souvenir d'un joli "fils de flûte" bien plus poétique que les fils de rien que hurlent les pékins pour injurier la mère des autres. Mais pute c'est un métier comme un autre. 

La plupart du temps, je me contente juste de leur tirer le portrait et imprimer ainsi durablement le message. Au moins, il reste gravé quelque part, dans l'espace que ma carte SD veut bien m'accorder. Des messages qui me touchent bien évidemment : ceux qui indiquent clairement que la femme n'est pas inférieure ; quand on dit c'est non et pas oui : que juger quelqu'un sur sa couleur, sa religion ou son orientation est la chose la plus dégueulasse qui soit. Bref, ce type de messages à caractère humaniste, revendicateur, féministe et anti-con.

Ce qui est plus surprenant encore, c'est que certains sont finalement aussi sensibles à ces messages que moi même s'ils se laissent  le temps de s'arrêter. Le simple fait que quelqu'un l'ait fait les encourage à s'arrêter. J'ai en effet eu mon lot de discussions sur le pourquoi du comment de mon arrêt sur image.

L'art urbain a été longtemps méprisé. Les graffs sur les murs tout au plus jugés comme inesthétiques et barbouillages pas dignes d'être considérés comme de l'art. Pourtant, des murs d'une ville peuvent naître la poésie, celle qui émeut, bouleverse ou dont le message donne à réfléchir. 

C'est pour cette raison qu'il est important, capital, de voir ce que les autres ne voient pas. 

Essayez, vous verrez : ça peut changer bien des perspectives.