Tout
d'abord on passe une super soirée. Une soirée avec des amis que
l'on n'a pas vue depuis une éternité. On se prend un vrai bol
d'amour parmi des gens que l'on aime et qui nous aime, à n'en pas
douter, avec les vannes habituelles, les semblants de chamaillerie et
l'inévitable blind test de minuit
Et, parce qu'on ne supporte pas de dormir ailleurs que chez soi, on se décide à quitter cette superbe soirée et ses amis.
Parce
qu'on est un peu moins vigilante ; parce qu'on a peu bu pour
fêter quelque bonne nouvelle ; parce que c'était sans doute ce
soir là et pas un autre, ce qu'on appelle un concours de
circonstance, on ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe
tandis que l'on écrit son SMS pour dire qu'on rentre bien,
comme c'est ironique.
Les
mains étrangères s'agrippent au portable. Sweat-shirt à capuche
relevée pour ne pas qu'on voit le visage. On tente de retenir. On se
débat car on n'est pas du genre à se laisser faire. Mais rien n'y
fait : sweat-shirt à capuche est plus fort en nous
poussant sur le trottoir. Ça va trop vite. C'est trop violent.
Sweat-shirt à capuche est déjà au loin ; il a détalé
comme un lapin.
Les
passants s'empressent autour de vous en vous tendant un mouchoir en
papier parce que vous saignez du nez ; ce que vous ne remarquez qu'à
rebours. Votre main gauche en a pris un coup et vous avez du mal a
plier les doigts.
Après...
Après
s'ensuit la liste des choses à faire : suspendre sa ligne ;
appeler les amis chez qui vous avez passé la soirée ; attendre
qu'on vienne à vous et qu'on vous emmène au commissariat, désert car il est une heure du matin.
Il est une heure ; on est crevée ; la nuit n'est pas
encore finie.
Ces
petits détails qui sautent aux yeux : le sang qu'on n'a pas
bien nettoyé sur la main, et qui sèche, lentement mais surement - celle-là même qui fait un mal de chien ;
ces deux petites gouttelettes qui se sont écrasées sur le pantalon
gris clair – va t-on les rattraper ? - c'est fou ce genre de
remarque qui nous vient à l'esprit ; les phrases que le
policier nous dit pour nous remonter ; et d'ailleurs, après
coup, cette réflexion ultérieure que cela aurait pu être pire,
qu'il aurait pu se retourner pour nous balancer un coup de poing dans la figure et
qu'après tout, ce n'était qu'un téléphone.
Mais
on ne pleure toujours pas.
Les
pleurs arriveront le lendemain, tandis que, pour s'occuper l'esprit,
on balaie sans relâche ; tandis qu'on attend son tour chez SOS
médecin, dans la salle d'attente et que les regards se détournent
de vous, gênés.
Et
l'on devient une statistique parmi les autres, sur un chemin que
l'on a parcouru des centaines de fois.
L'ironie
de la chose.
Et puis l'on écrit. On écrit parce que c'est la seule chose qui nous pousse à se dépasser ; dépasser nos craintes et nos peurs ; calmer cette colère qui ne nous quitte pas. Mettre les mots sur les maux, comme on le fait depuis si longtemps ; depuis qu'on sait tenir un stylo entre ses mains.
La beauté de la chose.
Et puis l'on écrit. On écrit parce que c'est la seule chose qui nous pousse à se dépasser ; dépasser nos craintes et nos peurs ; calmer cette colère qui ne nous quitte pas. Mettre les mots sur les maux, comme on le fait depuis si longtemps ; depuis qu'on sait tenir un stylo entre ses mains.
La beauté de la chose.
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