mercredi 25 août 2021

Mes années 80

1981 : je vais avoir douze ans. C'est l'avènement de Mitterand le grand, le roi de tous les français. Je constate l'excitation dans les rues et sur la place de la Bastille. Sans m'en rendre compte, je commence à avoir une conscience politique. Cet intérêt ne m'a jamais quitté même si parfois, je suis atterrée de voir comment tout cela évolue, ces prises de pouvoir sans finalement oeuvrer pour le bien commun. Après les promesses, les politiques ont la fâcheuse manie de n'oeuvrer que pour leur bien... Mon coeur est déjà à gauche et il le restera quoi qu'il en soit. Je suis toujours du côté des opprimés, des laissés pour compte. Cela est un point commun avec mon père : la politique. Il n'était pas rare que je regarde avec lui les débats chez Michel Polac et ses fameux droits de réponse. 

1982 : je découvre la musique pop par le biais des ondes qu'on appelle désormais FM, après avoir été longtemps dites libres. A la radio, un groupe me transperce les tympans dans le bon sens du terme. J'achète alors mon premier vinyle avec le maigre argent de poche que j'économise chaque dimanche - à l'époque, il s'agissait de francs. Plus tard, Alides Hiddings et ses Bandit du Temps, ou Time Bandits en référence aux Monty Python, proclamerait qu'il était l'homme à la voix d'or et je l'écouterais en boucle bien volontiers. Encore maintenant, il m'arrive de les écouter. C'est plus facile avec YouTube...

En parallèle, je reste une enfant sauvage que seuls les livres et la musique délivrent de ses peurs primaires. Je continue à faire des fiches sur tout et n'importe quoi à l'aide des encyclopédies familiales.

1983 : je continue dans ma lancée en me gorgeant de musique. Pour la timide que je suis, c'est une porte de sortie. Ce sera certainement l'une des plus grandes histoires d'amour de ma vie. La musique sous toutes ses formes. Enfin presque. J'ai quand même mes limites.

1984 : je découvre la new wave et la cold wave. Alphaville devient l'un de mes groupes préférés. Joy Division puis New Order entrent dans mon walkman, sans compter The Cure, Siouxie and the Banshees, Echo and the Bunnymen - que des noms fantastiques et fantaisistes. C'est également le début de l'euro-dance, et le boom de Depeche Mode. Mais qui connait encore Erasure, Alison Moyet, Frankie Goes to Hollywood à part moi ? 

Mes goûts en matière de musique s'affinent et je sais que j'adorerai pour toujours ce courant musical anglo-saxon. Encore aujourd'hui, je ne lasse pas de passer un titre des Smiths. Car il y a toujours une lumière qui ne s'en va jamais*

C'est également l'année où le 1984 de George Orwell se confond avec la réalité temporelle. Même si ses prédictions ne verront le jour que quelques vingt ans plus tard avec les prémices de la téléréalité et l'explosion des réseaux sociaux. Big Brother will watching you. 

Don't matter what you do. 

1985 : j'ai seize ans et sonne l'heure de mes premiers émois adolescents. Oui, je sais, je n'ai jamais été précoce dans certains domaines. C'est aussi le moment où on se comporte de manière très irrationnelle en faisant exprès de passer devant la maison de celui pour qui son coeur bat. Je ne connais même pas son prénom. Je ne le connaîtrais jamais son nom. Je me souviens seulement qu'il avait les cheveux blonds comme les blés.

Mais c'est également l'année où tout une classe me prend pour cible par des quolibets incessants, des moqueries sur mon nom de famille, complet, dont je suis fière désormais ; cet épisode me marquera à jamais. 

1986 : c'est donc l'année de la renaissance et de la rébellion. Mon style vestimentaire détonne parmi tous ces coincés bourgeois de ce lycée de Cambrai.  Je porte des treillis et des blousons militaires et j'emmerde tous ceux qui me toisent. Après avoir été le souffre-douleur de toute une classe, je me libère littéralement et je me promets de ne plus jamais me laisser faire. Le premier qui vient à ma rencontre en me parlant de mon nom, banal pour une portugaise, je le recadre direct. Pourtant il n'a aucune mauvaise intention à mon égard et nous finirons par devenir amis. 

Comme quoi, ça laisse des traces, cette manie qu'on les humains de se foutre en meute pour harceler ceux qui ne leur ressemble pas.

Moi c'est devenu ma force. 

Entre deux, nous allons à des boums. Oui c'est bien le mot qu'il faut utiliser. Nous prenons la route sur trois kilomètres, à pieds, pour nous rendre dans une de ces salles des fêtes et danser sur des rythmes binaires. Je fuis le quart d'heure américain par contre. 

Même encore maintenant, je ne suis pas une fana des slows. 


1987 : Je n'ai rien à dire ou presque pas. Je tombe de nouveau en grâce ; amoureuse cette fois, ce n'est plus un crush d'adolescente. Un amour platonique qui restera longtemps en moi. Parfois, j'ai une certaine nostalgie. Je regarde la page Facebook, puis je reviens vers le présent. 

C'est l'année où je suis monitrice en centre aéré. A moi les sorties en groupe, en boîte. Je danse comme une folle sur the belgium sound ; le son du Boccacio.

1988 : la new beat bat son plein. Mon style évolue. Je m'habille souvent de sombre. Je pique des vestes masculines que j'agrémente de chaînes où pendent des croix. Je suis définitivement new wave même si j'adore moi aussi dépenser toute cette énergie sur les pistes de danse du Loft ou encore du Space et  ses trois ambiances sonores. Nous découvrons émerveillés les acrobaties de celui que nous appellerons "le révolutionnaire" tant son style est singulier à la fois dans les vêtements et les mouvements de son corps tandis qu'il ressent ces fameux BPM.

1989 : j'ai vingt ans. On dit que c'est le plus bel âge mais j'ai des doutes. Je suis en fac d'histoire. C'est le moment des nouveaux horizons ; des nouveaux amis et mode de pensées. Nous devenons de jeune adultes. Mon style est un mix entre la gouaille du titi parisien et la recherche de l'originalité, avec mes bretelles, mes casquettes et mes pantalons pied de poule.

En novembre, une sorte de frisson s'empare de moi quand je découvre, à travers l'écran cathodique, là-bas à plusieurs milliers de kilomètres de ma petite ville de province, que les gens détruisent pierre par pierre un mur de la honte. Je ne sais pas encore que cela signera aussi mon amour pour cette ville, vers laquelle je suis attirée sans cesse. Berlin et tout ce que cette liberté annonce. 

1990 et celles qui suivent : nous passons une décade. Je continue mes études en histoire médiévale. Je prends un peu plus d'autonomie et ne reviens plus aussi souvent chez mes parents. C'est le début du grunge et de Nirvana ; le début du trip hop et des ses principaux représentants : Massive Attack, Archive et Portishead que j'écoute encore régulièrement. J'entre dans la catégorie des jeunes adultes bientôt sur le marché de l'emploi. Je ne sais pas encore toutes les galères qui vont me tomber sur la gueule.

Je suis confiante. Pleine d'optimisme. 

Ensuite, je deviens cette adulte qui essaie de trouver un boulot et prendre son envol, et qui  galère comme des millions d'autres avant moi. Mon diplôme ne me sert pas à grand chose à vrai dire.

Une chose est certaine cependant : je reste définitivement, et à jamais, une enfant des années 80.


* Traduction de "there IS a light that Never goes out" des Smiths. Définitivement ma chanson préférée 

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