vendredi 16 janvier 2015

Pour ne pas oublier...

Et puisqu'il m'était impossible de ne pas en parler.

1981

Je n’ai pas encore de véritable conscience politique. J’ai à peine 12 ans et pourtant je considère déjà l’injustice, toutes les injustices, comme proprement inadmissibles.

C’est le règne de Mitterand le grand, tsar de tous les français(e)s . Son règne vient de commencer depuis même pas 4 mois. Je me souviens très bien de son avènement, quasi christique parce, même du haut de mes 12 ans, j’ai constaté par   écran interposé, une foule en liesse au soir de l’élection, envahissant place de la Nation.

Peut-être que ces images de peuple heureux est-il le lent éveil de ma conscience. Lent mais implacable.

Puis,  en plein été, après la liesse...

Rue des rosiers. Une demie-douzaine de morts ; morts bêtement.

Je ne comprends pas pourquoi, au nom d’une religion, les gens sont assassinés. Je ne comprends toujours pas pourquoi plus de 30 ans plus tard.

Le monde devient effrayant pour mes yeux d'enfant.

1995

J’ai été longtemps été une étudiante en histoire que les guerres de religions n’ont pas laissées indifférente. J’ai d’ailleurs participé à une remise en question, dans un couloir de la fac, d’une professeur révisionniste. Nous lui demandions de nous expliquer pourquoi ? Nous, étudiants apatrides, apolitiques, de gauche ou d’extrême gauche, anti-racistes – touche pas à mon pote, athés, agnostiques ou déistes, anarchistes et subversifs. Nous ne comprenions pas comment on pouvait remettre en cause des faits qui étaient avérés, indiscutables, et longuement étayés par des témoignages bouleversants, et en suivant un cursus tel que le nôtre.

Je me souviens très bien de cette année car, entre deux envois de CV, mon frère nous racontâmes qu’il se trouvait non loin au moment ou la rame de métro avait explosé, entraînant avec elle 8 morts et plusieurs dizaines de blessés.

Saint Michel restera pourtant, étrangement, également le quartier des libraires les rares fois où je me rends à Paris.

2001

Je travaille dans ma première librairie, celle qui m’a mis les pieds à l’étrier, celle qui m’a tout appris de mon métier.

C’est un jour comme les autres, ou presque. Nous sommes en pleine rentrée scolaire et toutes les forces vives des premiers et deuxièmes étages sont mobilisées afin de répondre aux multiples questions que nous posent une horde d’élèves et parents d’élèves, en remplissant les paniers de fournitures de papeterie.

L’information nous arrive diffuse. C’est à peine si on comprend ce qui arrive là-bas. D’ailleurs, je préfère attendre de rentrer chez moi pour être sure que ce que j’ai entendu plus tôt dans la journée n’était pas un fake. On nous a parlé d’un accident d’avion sur les tours jumelles, pas encore d’attentat.

Les images diffusées continuellement sur l’ensemble des chaînes ne laissent hélas plus aucun doute sur la tragédie.

Est-ce de l’empathie ou non ? Je me mets dans la peau de ces pauvres hommes et femmes qui se sont rendus sur leur lieu de travail ne sachant pas qu’il s’agit là de leur dernier jour sur Terre.

Commence alors la traque de le l’homme le plus recherché au monde mais également la lente montée des théories du complot.

Le monde, déjà violent, bascule davantage.

2015

C'est ma pause déjeuner. Je ne travaille plus à la librairie depuis 5 ans. J'ai changé de branche comme d'autres de chemise, même s'il m'en a fallu du temps pour réussir à fermer tous les boutons. Métaphore pour signifier qu'il n'est pas si facile de voguer d'une branche à l'autre.

Comme tous les jours entre midi 30 et treize heures 30, je surfe sur Internet. Mes sites sur les lapins, mon forum de végétariens, le Bon Coin à la recherche de la maison idéale avec un peu de verdure pour que les loustics et moi puissent se dégourdir les pattes ; enfin surtout les 3 loustics. Tout doucement, je me remets au travail. Tout doucement. Je ne suis pas allée travailler la veille car malade.

C'est mon boss qui m'annonce la nouvelle. Lui aussi surfe sur Internet durant sa pause. Il me demande si je suis au courant pour Charlie Hebdo. Je suis un peu longue à la détente car je ne comprends pas. Puis je tape le nom du journal sur Google et tombe direct sur le drame, l'impensable. Je n'en reviens pas et me répète plusieurs fois : "putain c'est pas possible!"

Au soir, la liste des victimes nous est communiquée. C'est à quelle chaîne balance le scoop le plus rapidement possible. La liste des victimes dont Cabu, toute mon enfance – Récré A2 et le club Dorothée, le Grand Duduche.

Bien sûr, je n'en oublie pas les autres, les anonymes, exécutés tout aussi froidement comme ce policier blessé qui implore pour qu'on lui laisse la vie sauve ; lui aussi victime de cette haine dégueulasse. Sans doute l'image qui restera la plus vive en ce jour funeste.

Tout ça pour quelques dessins.

Le reste appartient désormais à l'Histoire.

Je me souviens de toutes ces journées comme si c'était hier. J'aurais pu parler d'Oklahoma City, de l'attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo ou bien encore rue de Rennes. Mes ces journées, plus que les autres, me sont restées de manières indélébiles pour des raisons qui n'appartiennent qu'à moi. Et le resteront, gravées.

Alors, parce qu'il est difficile de conclure sur un tel sujet, je me contenterai de citer ces illustres connus :

La violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec.
Jean Paul Sartre

La violence est la force des faibles
Isaac Asimov

L’humanité court à sa perte si le monde n’adopte pas la non-violence
La haine tue toujours, l'amour ne meurt jamais
Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde
Gandhi

0 Avis intrépides: