vendredi 10 septembre 2010

Les semelles au vent*

Au siècle dernier, celui d'avant, j'aurais été un de ces va-nu-pieds traînant de ruelles en rues malfamées de Montmartre ou d'ailleurs ; refoulé d'une guinguette à l'autre car ivre mort, les rêves pourtant plein d'espoir et enfiévrés par l'alcool. L'absinthe aurait chanté dans mon verre à l'instant où le sucre se dissout dans la cuillère. Pour quelques sous,  j'aurais tapé des pieds, comme tous ces poivrots, pour que cette fille mal fagotée et trop fardée pousse la goualante sur les planches de ce petit cabaret. Puis je me serais frayé un passage parmi la foule, avant d'atteindre  les Enfants du Paradis, le temps que l'expo universelle ouvre ses portes, surmontée de cette étrange tour de métal.
Je m'en serais allé moi aussi les poches trouées, les semelles au vent et sifflotant un air comme un vrai titi parisien ; un vrai de vrai, gouailleur, casquette vissée sur la tête, écharpe crasseuse nouée autour de mon cou. Je n'aurais pas eu assez de talent pour déclamer ma prose mais j'aurais écouté les mots de Verlaine et de Rimbaud, ces amants maudits, ces amants non-dits. Ou encore Baudelaire m'invitant au voyage en attendant que vienne l'heure du serpent qui danse.
Peut être que j'aurais repris mes carnets de croquis, tentant de percer les mystères de l'être humain par un trait de fusain. Tous ces visages, ces mélancolies, toutes ces histoires. Au pied de Notre Dame. Sur les bords des quais de Seine. Chapardant ici ou là.
Mais la modernité est passée par là. Je ne serais jamais un de ces bohèmes, un de ces traînes savates. Je ne suis qu'un intrépide voyageuse qui remonte les siècles et m'octroie, le temps d'une soirée, un voyage virtuel, un retour vers le passé, une fantaisie sur la route qui me mène au Sacré-Coeur.

* Petite fantaisie. Petit arrêt où tou(t)s s'entrecroisent au delà de la vérité historique.

2 Avis intrépides:

Pop's a dit…

Hum ... ume fantaisie parfaitement evoquee ! Cela m'a fait penser aux Mysteres de Paris de mon tres cher et aime Eugene Sue .... Elegance et chapardage ...

ma vie intrepide a dit…

Merci pour le compliment. Eugène Sue et ses mystères de Paris. De temps j'aime écrire des textes plus "littéraires" que j'intitule mes "fantaisies pour la route".