jeudi 14 mars 2024

A toi l'inconnue du métro

 Tu étais là, le visage triste. Peut-être étais tu juste fatiguée mais un instant j'ai cru que tu étais sur le point de pleurer. D'instinct, je me suis assise en face de toi puisque j'avais encore quelques arrêts. Tu semblais si vulnérable habillée de ta jupe printanière, les genoux fermés, sans doute pour ne pas prendre trop de place, ni certainement pour qu'un esprit malhonnête ne s'avise de te reluquer - la position des femmes quand elles sont dans l'espace public pour ne pas trop attirer l'attention. Oui, je me suis assise en face de toi, bloquant délibérément le passage de peur qu'un imbécile ne se mette à tes côtés et ne t'adresse des reproches comme cet homme, jeune,  qui l'a fait des semaines auparavant vis-à-vis d'une femme plus âgée parce qu'il la jugeait trop peu vêtue. Comme s'il fallait une validation de qui ce soit pour s'habiller comme bon nous semble quand on est une femme. 

La musique électro se déversait dans mon casque et malgré moi, j'essayais de deviner si tu étais triste ou tout simplement fatiguée, sans trop oser croiser ton regard, ce regard dans lequel j'ai cru pourtant poindre des larmes que tu tentais de contrôler. 

Je n'ai pas osé, pas osé te dire que je te comprenais. Je me suis assise face à toi, inconnue que je ne reverrai sans doute jamais, parce qu'il me semblait que c'était la chose à faire, que j'ai eu cet instinct irrépressible de m'assurer que tu allais bien. Même si je prenais cet air détachée pour ne pas te gêner, je restais tout de même attentive aux expressions qui succédaient sur ton visage. 

Puis nous sommes toutes les deux descendues au même arrêt. Je t'ai vu au loin dans la foule et nos chemins se sont séparés.

J'espère sincèrement que, où que tu te trouves ce soir, tu sois libérée de ce poids qui semblait te comprimer les épaules. 

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