lundi 2 octobre 2023

V.H.S.

 

Je suis une nostalgique. A bien des égards, certaines choses de mon enfance ou de mon jeune âge adulte me manquent. Le paquet de bonbons à 10 francs est l'un des plus frappants exemples. Nous sommes désormais constamment abreuvé d'informations dans tous les sens de la stratosphère. On consomme de la culture, des films ou des séries sur des plateformes, de la VOD, d'un simple clic de souris ou en tapant OK sur sa télécommande, de manière irréfléchie. Jusqu'à la nausée.

 J'ai une collection de plus d'un millier de films à l'heure actuelle. Je parle bien de cet étrange objet que l'on extrait de son boîtier rectangulaire et que l'on insère dans un lecteur prévu à cet effet. Comme au cinéma, parfois on a les bandes annonces, sans le pop-corn. Je suis une vraie collectionneuse dans le sens premier du terme. Je suis en constante recherche de la petite perle qui m'avait tapé dans l'oeil quand j'étais jeune et innocente, qui m'avait envouté, et que je recherche désespérément. Parfois, malheureusement, à force d'être dans le prêt j'en arrive à ne plus pouvoir récupérer l'objet de mon affection. Je repense notamment "Aux ailes du désir" de Wim Wenders, sublime narration poétique dans un Berlin intemporel en noir et blanc avec un Peter Falk qui ne joue pourtant pas au détective avec son éternel cigare et son pardessus beige. 

  Ces milles films, ou peu s'en faut, sont pourtant une partie visible de l'iceberg.  Je ne compte pas les disques durs gorgées de pépites du 7ème art. Le support a changé mais pas ma passion qui, elle, reste intacte. Ma collection a pourtant commencé bien avant. Tandis que le ciné club de la 2ème et 3ème chaîne, respectivement le vendredi soir et le dimanche soir, je tannais parfois mon père pour qu'il m'enregistre les films que je désirais voir plus tard. Je pense à Stephen Frears, Neil Jordan ou encore Jean Cocteau. A l'époque le replay n'existait pas.  J'économisais pour m'acheter ces précieuses cassettes V.H.S que vendaient alors les grandes surfaces par paquets de cinq. Parfois, j'avais des déconvenues : mon père s'étant tout simplement servi d'un de mes précieuses cassettes pour enregistrer par-dessus alors que je n'avais pas encore vu le film pour lequel j'avais demandé l'enregistrement.

  Quand j'ai déménagé à Lille, j'ai peu à peu abandonné ces V.H.S, trouvant mes films préférés sur un nouveau support, le DVD puis, plus tard, le BluRay. 

Pourtant, ce qui me peine en fait, me rend nostalgique sans nul doute, c'est la mort pure et simple des clubs vidéos. Qui se souvient encore de Vidéo Futur, cette chaîne de magasins implantée un peu partout dans les grandes villes ? Pour le prix de quelques minutes, il fallait juste s'inscrire et on avait une belle carte plastifiée qui nous permettait de louer jusqu'à trois films par semaines pour une somme modique. Les nouveautés, les blockbusters étaient bien sûr les plus recherchés et partaient comme des petits pains. Il fallait prendre patience avant de pouvoir regarder le film dont tout le monde parlait au lycée ou au boulot autour de la machine  à café. Mais à l'époque, on cultivait l'art de la patience, l'ère du zapping perpétuel n'était pas encore ancré dans les mentalités. 

 J'aimais bien mon petit club vidéo de quartier, au coin. Je descendais tongs aux pieds et j'y restait trois bons quarts d'heures, parfois moins, parfois plus. Je n'arrivais pas à me décider entre tel ou tel film. Je compulsais tous les résumés au dos de la jaquette. Je n'avais pas d'idée préconçue, seule mon envie me guidait : une rom-com si mon humeur cherchait de la légèreté, un drame quand je voulais me plonger dans le cœur de l'âme humaine. J'y mettais un temps infini avant de me décider et parfois le choix était cornélien. Qui sait, si je ne prenais pas tout de suite le film qui était mon quatrième choix,  je pourrais l'emprunter une semaine plus tard  ? Qui sait si celui-ci n'aurait pas déjà été emprunté par quelqu'un de moins indécis que moi ? C'était le jeu. Un jeu de dés. 

 Souvent aussi, je voyais des hommes, et quelques femmes également, pousser les portes marrons, en regardant autour d'eux si quelqu'un ne comprenait pas leur petit manège. Il s'agissait bien sûr du rayon réservé exclusivement aux plus de 18 ans. 

 Ma collection de films s'est, à partir des années 2000, étoffée de manière vertigineuse, exponentielle car je pratiquais l'art de la duplication mais chut, il ne faut pas le dire. Cela ne m'a jamais empêchée d'acheter des films, de fréquenter assidûment les magasins d'occasions, des Converters pour ne pas les nommer, et d'aller de temps en temps au cinéma. Le prix galopant du billet a toutefois mis un frein à ces sorties pop-corn sur grand écran. Et pourtant, j'y allais toutes les semaines, dans mon petit cinéma de quartier quand j'habitais encore Douai. Mais c'était un petit cinéma justement, et pas un des ces immenses complexes. On pouvait aussi bien voir le dernier blockbuster que le film d'auteur inconnu. 

 C'est bien dommage que les nouvelles générations n'aient pas eu la chance de connaître ces vidéos clubs. Tout est à portée de main désormais. Finalement, ce n'est les vidéos qui ont tué les radio stars* mais bel et bien l'art du fast lu, fast vu, fast écouté.




* Clin d'oeil évident à cette vieille chanson de la fin des années 70. A vous de faire vos recherches sur Youtube. 


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