lundi 9 mars 2015

Zora la rousse et moi… la frousse

Les souvenirs d’enfance sont des plus curieux quand ils vous reviennent à la surface comme des bulles de savon, légères, impermanentes, et parfois votre mémoire, pas si bonne que ça, vous joue des tours. D’autres fois, malgré les années, il est des souvenirs qui restent de manière indélébile.

J’avais 12 ans à l’époque et j’étais déjà entrée de plein pied au collège - la 5ème, comme j’étais fière en trottinant jusqu'au bus malgré mon cartable lourd, bien trop lourd pour une fille maigrichonne telle que moi. Nous n'étions plus des bleus, des sixième, mais étions bel et bien passés en classe supérieure.

Quand je rentrais de mes cours, immanquablement le même rituel se mettait en place. Mon chien m’accueillait en aboyant gaiement et nous faisait la fête. C’était un joyeux bâtard entre griffon et caniche royal avec pour particularité de posséder un nom d’origine japonaise - le manga était pourtant balbutiant ; qui ne se souvient pas d’Albator, Goldorak ou capitaine Flam ?

Je me délestais donc de mon gros cartable, héritée de mes aînés quand celui-ci n’était pas encore trop abîmé, j’enlevais mon blouson et mes baskets et je me jetais sur le canapé du salon après avoir allumé la télévision. La télécommande était des plus rudimentaires car il fallait se… lever tout simplement et d’appuyer de toutes ses forces. Un gros poste bombé aux couleurs ternes et aux boutons de chaînes apparents. Malgré mon profil d’élève modèle qui ne rechignait pas à faire ses devoirs rapidement, je ne pouvais manquer mon rendez vous d’après école ; mon rendez vous avec les programmes enfants d’Antenne 2.

Quand l’écran s’allumait, je n’étais plus dans le monde tel que je connaissais, fait de bonnes notes à rendre ; d’adultes à satisfaire ; de corvée à effectuer comme faire son lit tous les matins avant de partir ou encore de ces étrangers à qui je parlais à peine car j’étais trop timide et angoissée. J’étais sans le savoir une téléphile, voire téléphage assidue et encore maintenant, malgré la pauvreté des programmes, je ne peux m’empêcher de mettre en marche ce maudit téléviseur - à la fois une présence quand je suis seule et des bavardages futiles pour me vider la tête

Mon rendez vous avec elle était régulier. Toutes les semaines à la même heure, tapante, présentée par une Dorothée au faîte de sa gloire et à qui je pense parfois, encore, avec émotion. Elle m’a permis de rêvasser des heures grâce à Récré A2, le paradis des enfants, tout comme l’était également l’île aux enfants de ce bon vieux monstre orange mais fort sympathique, j'ai nommé Casimir.

Zora était une orpheline rousse, rebelle et farouche, comme le chanson de générique le scandait. Elle et sa bande parcouraient le pays en vivant des aventures hors du commun pour la gamine que j’étais.

Partout on les rejetait. Ils étaient poursuivis car ils se nourrissaient en vivant de vols et menus larcins. Bien que cela paraisse contestable maintenant au point de vue de la morale, il n’en était rien pour moi, et il n’en est rien encore aujourd’hui. Cette vie de liberté me fascinait. Leur périple était extraordinaire. Il leur arrivait bien plus de choses en une journée que moi en un mois.

Malgré le nombre réduit d’épisodes, je me souviens encore de cette série avec une certaine nostalgie. Zora était débrouillarde, hardie et dévouée aux siens. Elle n’avait peur de rien et moi, à l’inverse, j’étais une vraie froussarde. C’est sans doute pourquoi j’aimais tant regarder ses exploits. Pour l’anecdote, je regardais chaque épisode en mangeant invariablement de la marmelade dans un morceau de pain. La couleur de cette marmelade avait la teinte de la chevelure flamboyante de mon héroïne intrépide. Je peux encore chanter la chanson du générique.

Et si vous vous souvenez de la farouche Zora, allez-y épatez moi.

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