dimanche 10 octobre 2021

Carence

Je suis en déficit d'affection. C'est un fait. Depuis que je suis gamine. Cette carence est pire que la B12 puisqu'elle me pousse dans des retranchements insoupçonnés.

Mais c'est un fait.

Petite, et encore maintenant, hélas, triplement hélas, je monnaie l'attention des gens à mon égard. Pas en monnaie sonnante et trébuchante. Ce serait trop facile et, finalement, ne me ressemblerait aucunement. Mon degré de serviabilité est largement supérieur à la moyenne. J'anticipe des demandes qui n'existent pas. Je les crée, peut-être. sans doute. Je pense aux autres avant moi. Je ne suis pas assez égoïste. C'est un autre fait.

Tout cela remonte à mon enfance. Enfance vécue à l'ombre d'une fratrie nombreuse. Enfance où il fallait se démarquer pour grappiller ici et là un peu de cette affection qui me fait encore défaut maintenant. On a beau dire que ce n'est pas vrai, que les parents ne font pas de différence, qu'on a pas de préféré(e)s.... On a beau dire que le temps guérit les blessures de l'enfance, mais c'est faux. Alors on essaie de bricoler un truc dans son coin, une cuisine interne qui colmate les brèches pour quelques temps. Mais cela ne dure justement qu'un temps. On fait semblant. Et on se rend indispensable par bien des manières, dont le verbe « donner » .

Je donne sans compter. Même quand on ne me demande rien. Je ne suis pas avare de mon temps, au détriment de mes désirs profonds. Cela me frustre. Je le sais. Pourtant. Et c'est plus fort que moi. Je donne sans compter. Je reçois peu. Je n'ai plus l'habitude. Je ne sais plus comment me comporter.

Au fonds de moi je suis restée une enfant sauvage, une enfant qui ne sait pas comment se démarquer, qui ne sais pas comment se faire aimer. Je n'en ai pas idée. Je n'ai pas eu la bonne clé ni reçu les bonnes cartes. Ou le jeu a été truqué à ma naissance, comme si la roue de la chance avait cessé de tourner pour moi. Je suis restée le Petit Poucet du conte défait.

 

0 Avis intrépides: