Au
début, j’ai entendu des voix. Et, non, je ne suis pas la lointaine
descendante de feue Jeanne ; morte brûlée vive sur le bûcher
d’avoir été juste un peu schizophrène. J’entendais donc des
voix hier soir dans la rue, à ma porte – j’habite au
rez-de-chaussée. Au début, je pensais qu’une SDF avait chopé ma
voisine du dernier étage : « t’habites là ? »
etc. Bref, je n’y faisais pas trop attention, regardant
distraitement et mollement mon film sur Arte.
Mais
les voix étaient toujours là. Et, non, puisque je vous dis que je
ne suis ni la descendante de Jeanne ni schizophrène ! Je veux bien
être sociopathe, mais c’est tout...
J’ai
donc ouvert la porte pour à la fois satisfaire ma curiosité et
donner un coup de main, on ne sait jamais. Quoique, vu mon gabarit,
je ne suis pas sûre d’être efficace dans le sport de combat.
Quoique, à bien y réfléchir aussi, bien énervée, la petite
centrale nucléaire que je suis est capable de voir rouge, tout
rouge. Sans compter mon entraînement auprès de mes trois frères
durant mon enfance. Ça aide.
C’était
bien ma voisine, discutant avec un monsieur d’un âge certain et
d’un petit bonhomme haut comme trois pommes qui était
enfermé dehors. Il était déjà 10 heures du soir bien tassées.
Ma
voisine prit donc les devants et accompagna petit bonhomme jusqu’au
lieu de travail du père. Malgré plusieurs appels en effet, personne
ne venait ouvrir la porte de l’immeuble de petit bonhomme.
Je
vous passe les détails du pourquoi du comment. Ils revinrent
un bon quart d’heure plus tard ; ils revinrent sains et sauf,
escorté du père qui avait été réquisitionné. Je fus donc
rassurée : la ville est une jungle quand on est aussi jeune.
On ne sait jamais qui traîne dans les bas fonds, qui zone et qui
guette sa proie.
Quand
j'étais enfant, j'ai traîné moi aussi en été - l'été, cet
heureux temps des rires et des chants, comme dans l'île aux
enfants. Mais je n'avais pas le même âge. Et les rues d'un
village de 2900 âmes ne sont pas les mêmes que celles d'une ville.
Et
à la fin ?
A
la fin, nous assurâmes petit bonhomme que, si jamais il se trouvait
de nouveau dehors comme ce soir là, qu’il n’hésite pas à
sonner à notre porte en attendant que quelqu’un vienne le
chercher.
Parce
que la bonne samaritaine, à vrai dire, c’est juste quelqu’un de
bon sens et d’humain. Un bon samaritain, c’est quelqu’un qui ne
laisse jamais quelqu’un de côté.
Et
vous, qu’auriez-vous fait ?
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