Je ne sais pas si ma névrose porte un nom, mais
j'appartiens à la catégorie des gens qui sont incapables de dormir
ailleurs que chez eux. Et je ne suis certainement pas la seule...
Depuis que j'habite à Lille, soit pratiquement 16
ans, je peux compter sur les doigts d'une seule main les quelques
fois où j'ai passé la nuit ailleurs que chez moi. Dans ces quelques
fois d'ailleurs, parce que ivre morte, je me suis effondrée sur le
canapé d'un ami. Ou parce que je n'avais pas d'autre solution : pas
de métro ni de bus. La Tequila bien frappée vous fait glisser
inévitablement dans les bras de Morphée... Et encore ! Je me
souviens parfaitement m'être réveillée en pleine nuit cette fois
là, puis d'être partie comme une voleuse, pour faire le trajet à
pieds de Montebello jusque Solférino. A quatre heures
du matin, tandis que les étals du marché se mettaient en place,
j'ai croisé un jeune gars un peu paumé avec qui nous avons partagé
une cigarette. Plus sobre et bien décidée, j'ai donc terminé ma
nuit dans mon Sweet Home avant de reprendre le travail quelques
heures plus tard.
Ah, folle jeunesse !
Je ne suis pas sûre de pouvoir retenter
l'exploit.
Il est un fait que je dois me conditionner
longuement. Conditionner mon corps et mon esprit afin de pouvoir user
un autre sommier que le mien. Je n'aime pas le sentiment d'être
piégée comme cette
fois là où je n'ai pas eu le temps de réagir, et que je me
suis laissée emporter bien malgré moi dans une soirée un peu
dingue. Je ne retenterais pas le coup.
Chat échaudé craint l'eau froide. Lapin
affolé craint les phares du chauffard.
Je n'aime rien tant que regagner mes pénates,
tranquillement ; savoir que, quelque soit l'heure, je peux déposer
mon armure, à l'abri des regards, et rester en tête à tête avec
moi même.
Je ne sais pas à quoi est dû cette névrose.
Peut-être le déclencheur a été cette première nuit dans laquelle
je me suis retrouvée désorientée, hurlant comme la gosse de 8 ans
que j'étais alors, dans le noir le plus complet - nous venions de
déménager, de la ville à la campagne. Néons artificiels contre
nuit étoilée d'encre. Tiens, d'ailleurs, à la manière de Proust,
longtemps je me suis réveillée en ayant peur de la nuit. Une peur
primale et primaire du noir.
Ce cauchemar terrifiant qui m'avait réveillée en
hurlant n'est pas étranger, je pense, à mon fort attachement à
vouloir dormir chez moi à tous prix. En usant tous les
stratagèmes possibles et inimaginables.
Et de l'imagination, j'en ai à revendre...
Mes amis connaissent ma sale manie. Ils me
préviennent longtemps à l'avance. La plupart du temps j'esquive. Je
trouve une dernière parade et je rentre chez moi.
Je sais que je suis une pantouflarde de l'extrême
mais si un jour je dors chez vous, pas à cause de l'alcool non,
c'est que je me sentirais chez vous comme chez moi.