Et
puisqu'il m'était impossible de ne pas en parler.
1981
Je
n’ai pas encore de véritable conscience politique. J’ai à peine
12 ans et pourtant je considère déjà l’injustice, toutes les
injustices, comme proprement inadmissibles.
C’est
le règne de Mitterand le grand, tsar de tous les
français(e)s . Son règne vient de commencer depuis même pas 4
mois. Je me souviens très bien de son avènement, quasi christique
parce, même du haut de mes 12 ans, j’ai constaté par
écran interposé, une foule en liesse au soir de l’élection,
envahissant place de la Nation.
Peut-être
que ces images de peuple heureux est-il le lent éveil de ma
conscience. Lent mais implacable.
Puis,
en plein été, après la liesse...
Rue
des rosiers. Une demie-douzaine de morts ; morts bêtement.
Je
ne comprends pas pourquoi, au nom d’une religion, les gens sont
assassinés. Je ne comprends toujours pas pourquoi plus de 30 ans
plus tard.
Le
monde devient effrayant pour mes yeux d'enfant.
1995
J’ai
été longtemps été une étudiante en histoire que les guerres de
religions n’ont pas laissées indifférente. J’ai d’ailleurs
participé à une remise en question, dans un couloir de la fac,
d’une professeur révisionniste. Nous lui demandions de nous
expliquer pourquoi ? Nous, étudiants apatrides, apolitiques,
de gauche ou d’extrême gauche, anti-racistes – touche pas à mon
pote, athés, agnostiques ou déistes, anarchistes et subversifs.
Nous ne comprenions pas comment on pouvait remettre en cause des
faits qui étaient avérés, indiscutables, et longuement étayés
par des témoignages bouleversants, et en suivant un cursus tel que
le nôtre.
Je
me souviens très bien de cette année car, entre deux envois de CV,
mon frère nous racontâmes qu’il se trouvait non loin au moment ou
la rame de métro avait explosé, entraînant avec elle 8 morts et
plusieurs dizaines de blessés.
Saint
Michel restera pourtant, étrangement, également le quartier des
libraires les rares fois où je me rends à Paris.
2001
Je
travaille dans ma première librairie, celle qui m’a mis les pieds
à l’étrier, celle qui m’a tout appris de mon métier.
C’est
un jour comme les autres, ou presque. Nous sommes en pleine rentrée
scolaire et toutes les forces vives des premiers et deuxièmes étages
sont mobilisées afin de répondre aux multiples questions que nous
posent une horde d’élèves et parents d’élèves, en remplissant
les paniers de fournitures de papeterie.
L’information
nous arrive diffuse. C’est à peine si on comprend ce qui arrive
là-bas. D’ailleurs, je préfère attendre de rentrer chez moi pour
être sure que ce que j’ai entendu plus tôt dans la journée
n’était pas un fake. On nous a parlé d’un accident
d’avion sur les tours jumelles, pas encore d’attentat.
Les
images diffusées continuellement sur l’ensemble des chaînes ne
laissent hélas plus aucun doute sur la tragédie.
Est-ce
de l’empathie ou non ? Je me mets dans la peau de ces pauvres
hommes et femmes qui se sont rendus sur leur lieu de travail ne
sachant pas qu’il s’agit là de leur dernier jour sur Terre.
Commence
alors la traque de le l’homme le plus recherché au monde mais
également la lente montée des théories du complot.
Le
monde, déjà violent, bascule davantage.
2015
C'est
ma pause déjeuner. Je ne travaille plus à la librairie depuis 5
ans. J'ai changé de branche comme d'autres de chemise, même s'il
m'en a fallu du temps pour réussir à fermer tous les boutons.
Métaphore pour signifier qu'il n'est pas si facile de voguer d'une
branche à l'autre.
Comme
tous les jours entre midi 30 et treize heures 30, je surfe sur
Internet. Mes sites sur les lapins, mon forum de végétariens, le
Bon Coin à la recherche de la maison idéale avec un peu de verdure
pour que les loustics et moi puissent se dégourdir les pattes ;
enfin surtout les 3 loustics. Tout doucement, je me remets au
travail. Tout doucement. Je ne suis pas allée travailler la veille
car malade.
C'est
mon boss qui m'annonce la nouvelle. Lui aussi surfe sur Internet
durant sa pause. Il me demande si je suis au courant pour Charlie
Hebdo. Je suis un peu longue à la détente car je ne comprends pas.
Puis je tape le nom du journal sur Google et tombe direct sur le
drame, l'impensable. Je n'en reviens pas et me répète plusieurs
fois : "putain c'est pas possible!"
Au
soir, la liste des victimes nous est communiquée. C'est à quelle
chaîne balance le scoop le plus rapidement possible. La liste des
victimes dont Cabu, toute mon enfance – Récré A2 et
le club Dorothée, le Grand Duduche.
Bien
sûr, je n'en oublie pas les autres, les anonymes, exécutés tout
aussi froidement comme ce policier blessé qui implore pour qu'on lui
laisse la vie sauve ; lui aussi victime de cette haine
dégueulasse. Sans doute l'image qui restera la plus vive en ce jour
funeste.
Tout
ça pour quelques dessins.
Le
reste appartient désormais à l'Histoire.
Je
me souviens de toutes ces journées comme si c'était hier. J'aurais
pu parler d'Oklahoma City, de l'attaque au gaz sarin dans le métro
de Tokyo ou bien encore rue de Rennes. Mes ces journées, plus que
les autres, me sont restées de manières indélébiles pour des
raisons qui n'appartiennent qu'à moi. Et le resteront, gravées.
Alors,
parce qu'il est difficile de conclure sur un tel sujet, je me
contenterai de citer ces illustres connus :
La
violence, sous quelque forme qu'elle se manifeste, est un échec.
Jean
Paul Sartre
La
violence est la force des faibles
Isaac
Asimov
L’humanité
court à sa perte si le monde n’adopte pas la non-violence
La
haine tue toujours, l'amour ne meurt jamais
Soyez
le changement que vous voulez voir dans le monde
Gandhi
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