Les
souvenirs d’enfance sont des plus curieux quand ils vous
reviennent à la surface comme des bulles de savon, légères,
impermanentes, et parfois votre mémoire, pas si bonne que ça, vous
joue des tours. D’autres fois, malgré les années, il est des
souvenirs qui restent de manière indélébile.
J’avais
12 ans à l’époque et j’étais déjà entrée de plein pied au
collège - la 5ème, comme j’étais fière en
trottinant jusqu'au bus malgré mon cartable lourd, bien trop lourd
pour une fille maigrichonne telle que moi. Nous n'étions plus des
bleus, des sixième, mais étions bel et bien passés en classe supérieure.
Quand
je rentrais de mes cours, immanquablement le même rituel se mettait
en place. Mon chien m’accueillait en aboyant gaiement et nous
faisait la fête. C’était un joyeux bâtard entre griffon et
caniche royal avec pour particularité de posséder un nom d’origine
japonaise - le manga était pourtant balbutiant ; qui ne se
souvient pas d’Albator, Goldorak ou capitaine Flam ?
Je
me délestais donc de mon gros cartable, héritée de mes aînés
quand celui-ci n’était pas encore trop abîmé, j’enlevais mon
blouson et mes baskets et je me jetais sur le canapé du salon après
avoir allumé la télévision. La télécommande était des plus
rudimentaires car il fallait se… lever tout simplement et d’appuyer
de toutes ses forces. Un gros poste bombé aux couleurs ternes et
aux boutons de chaînes apparents. Malgré mon profil d’élève
modèle qui ne rechignait pas à faire ses devoirs rapidement, je ne
pouvais manquer mon rendez vous d’après école ; mon rendez
vous avec les programmes enfants d’Antenne 2.
Quand
l’écran s’allumait, je n’étais plus dans le monde tel que je
connaissais, fait de bonnes notes à rendre ; d’adultes à
satisfaire ; de corvée à effectuer comme faire son lit tous
les matins avant de partir ou encore de ces étrangers à qui je
parlais à peine car j’étais trop timide et angoissée. J’étais
sans le savoir une téléphile, voire téléphage assidue et encore
maintenant, malgré la pauvreté des programmes, je ne peux
m’empêcher de mettre en marche ce maudit téléviseur - à la
fois une présence quand je suis seule et des bavardages futiles pour
me vider la tête
Mon
rendez vous avec elle était régulier. Toutes les semaines à la
même heure, tapante, présentée par une Dorothée au
faîte de sa gloire et à qui je pense parfois, encore, avec émotion.
Elle m’a permis de rêvasser des heures grâce à Récré A2,
le paradis des enfants, tout comme l’était également l’île
aux enfants de ce bon vieux monstre orange mais fort sympathique,
j'ai nommé Casimir.
Zora
était une orpheline rousse, rebelle et farouche, comme le chanson de
générique le scandait. Elle et sa bande parcouraient le pays en
vivant des aventures hors du commun pour la gamine que j’étais.
Partout
on les rejetait. Ils étaient poursuivis car ils se nourrissaient en
vivant de vols et menus larcins. Bien que cela paraisse contestable
maintenant au point de vue de la morale, il n’en était rien pour
moi, et il n’en est rien encore aujourd’hui. Cette vie de liberté
me fascinait. Leur périple était extraordinaire. Il leur arrivait
bien plus de choses en une journée que moi en un mois.
Malgré
le nombre réduit d’épisodes, je me souviens encore de cette série
avec une certaine nostalgie. Zora était débrouillarde,
hardie et dévouée aux siens. Elle n’avait peur de rien et moi, à
l’inverse, j’étais une vraie froussarde. C’est sans doute
pourquoi j’aimais tant regarder ses exploits. Pour l’anecdote, je
regardais chaque épisode en mangeant invariablement de la marmelade
dans un morceau de pain. La couleur de cette marmelade avait la
teinte de la chevelure flamboyante de mon héroïne intrépide. Je
peux encore chanter la chanson du générique.
Et
si vous vous souvenez de la farouche Zora, allez-y épatez
moi.
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