mercredi 16 octobre 2024

Tout est bien qui finit bien

Hier soir, nous sommes allées voir un film dans ce cinéma de quartier qui va sans doute devenir mon ciné préféré, l'inverse d'un ce ces multiplexes que j'abhorre car trop désincarné ; le lieu du fast seen avec pop corn industriel et salles trop aseptisées. Certes, on a le choix et désormais la VO sous titrée s'invite régulièrement aux séances, mais ces complexes n'ont aucunement le charme de ces petits cinémas de quartier comme celui que je fréquentais lorsque je vivais encore à Douai. Certes aussi, au Stockel vous n'aurez qu'une seule salle, assez grande c'est vrai, avec de vieux fauteuils carmins dont la couleur est un peu passée mais où l'on s'enfonce avec bonheur tandis que la lumière baisse d'intensité pour faire place aux bandes annonces et aux publicités. Nous avions décidé de regarder un film belge, sous-titré en flamand, qui dépeint de manière originale un fait de société inquiétant et grandissant hélas, amplifié par les réseaux sociaux : le mécanisme du harcèlement en milieu scolaire. Un film choc avec ses  petits défauts certes, mais qui me donnera sans doute l'occasion de revenir justement sur ce phénomène mortifère d'effet de meute incitant les adolescents qui en sont les victimes à y mettre un terme de manière irréversible. Moi-même ayant été le bouc émissaire de toutes une classe l'année de mes quinze ans. Ce sujet me parlait véritablement. 

Mais ce n'est pas le propos de ce billet, non. 

Il faut savoir que passé 21 heures le métro n'est plus accessible entre Stockel et Mérode, ainsi que le tram qui mène jusqu'à l'arrêt du même nom, point de jonction avec notre bonne vieille ligne, la 8, qui nous dépose face à l'appartement. Des bus sont donc à disposition des usagers. Et c'est là que mon histoire prend son envol. 

Oui, je ménage mes effets.

A la montée du bus, je ne remarque rien, un truc orange sur le sol mais je n'y fais pas attention. C'est mon amoureuse qui me signale qu'il s'agit sans doute d'un portefeuille. De fait, en le ramassant, nous nous rendons compte qu'il s'agit d'un porte-cartes où en effet y sont sagement rangées deux cartes de débit et un abonnement STIB, plus une feuille A4 soigneusement pliée en quatre, que je n'ai pas osé déplier. L'abonnement d'un jeune homme de 18 ans. Un étudiant sans doute dont les moyens ne sont pas forcément extensibles. J'imagine le désarroi de comprendre qu'on a tout perdu bêtement en se levant du siège de l'autobus. Malheureusement, aucune carte d'identité qui permettrait d'avoir l'adresse exacte de son propriétaire. Alors nous prenons une photo. Mon amoureuse s'inscrit sur un site de recherche brusseleir afin de signaler que nous avons trouvé l'objet - on ne sait jamais si quelqu'un est à l'affût.  Je le confie aussitôt au chauffeur afin qu'il remette le portes cartes aux objets perdus, parfois jamais retrouvés.  C'est la décision la plus sage, me dis-je dans ma précipitation. Mais ça m'embête. 

Cela m'embête de ne pas pouvoir prévenir le jeune homme que son porte carte est retrouvé. Alors nous cherchons sur les réseaux sociaux : TikTok, Instagram, Facebook. Mais on a l'impression qu'il s'agit d'un fantôme qui n'a aucun lien avec le monde virtuel. Nos maigres résultats ne sont pas probants. Nous continuons cependant à chercher durant le trajet qui nous ramène à Roodebeek. Je pousse le vice et je fais une demande d'ami sur sa page Facabook, c'est lui sur la photo : on le reconnait.  4 amis seulement et aucune activité depuis 2021: pas terrible. Sa page Insta est plus fournie, mais il est de dos : pas sûre que ce soit lui ; peut-être qu'il s'agit d'un homonyme. J'ai  poussé jusqu'à élargir le cercle à des gens portant le même patronyme mais sans les contacter.  Malheureusement, mes tentatives de l'appeler sur Messenger échouent lamentablement car nous ne sommes pas accointés sur le réseau de Mark. Z. 

Bref, je passe les détails qui sont ma foi fort nombreux en l'occurrence et nous nous échouons enfin sur le magnifique canapé deux places bleu pétant que je viens de nouvellement acquérir via ce fameux ami suédois spécialiste des meubles en kit et des boulettes végan. 

Je déprime car j'aurais bien aimé réussir à le contacter mais, comme il y a bien un titre à ce post long comme mon bras sur une anecdote somme toute banale, j'envoie un message via Instagram sur le profil de dos. Mon bras qui n'est pas si long en fait.  Je tente ma chance. Je lance les dés. 

Quelle ne fut  ma surprise quelques minutes plus tard de recevoir un message : des remerciements et une confirmation qu'il a réussi a retrouver le chauffeur détenteur du porte-cartes, tout cela sans passer par la case dépôt de l'objet au service dédié de la STIB. Ce à quoi je lui ai répondu que j'étais très contente pour lui. 

Parce que c'était la vérité :  j'étais vraiment contente qu'il ait récupéré son bien aussi rapidement. 

De fait, j'aimerais que chacun en fasse de même car c'est la moindre des choses de s'aider les uns et les autres.

Tout est bien bien qui finit bien donc !

Comme quoi, les bons samaritains sont en chacun de nous. 

 

mardi 8 octobre 2024

Une chronique de la légèreté urbaine contemporaine

Je ne pensais pas revenir aussi vite ici, mais ce soir j'ai été témoin d'une scène mignonne, de celles qui vous font sourire, alors que tout le monde autour de soi ne fais attention à rien sauf à l'affichage des métros qui se succèdent avec plus ou moins de lenteur.

Plantons le décor :  le décor urbain d'une capitale européenne, celle où je vis depuis déjà deux ans. Tiens, d'ailleurs à ce sujet, il faudrait que je le traite ce sujet justement : mes premières impressions et réflexions sur ma vie en Belgique, parce qu'il y a de quoi faire un comparatif entre les casse-têtes administratifs entre ces deux pays voisins. Mais voilà : je repousse toujours aux calendes grecques.

Donc, je pars du travail, tard encore, enfin encore plus tard que je ne l'avais prévu. Direction Rogier qui est tout à côté de mon entreprise. 

Je me plante sur le quai, regardant machinalement le panneau d'affichage qui m'indique une attente de 3 minutes avant le prochain passage de la rame qui m'amène à Art-Loi, point central s'il en est puisque   tout le monde ou presque descend pour reprendre une autre ligne. Je viens juste de louper le métro précédent, le temps que je le remarque, que je finisse de descendre et que je bipe ma carte, le voilà qui ferme ses portes et qui file tel un guépard qui vient enfin de trouver sa proie... mais je m'égare. En vérité ce métro était un vieux coucou qui continue à rouler sur les rails on ne sait comment. 

Perdue dans ma musique électronique, je ne les remarque pas, pas tout de suite en tout cas et je suppose qu'autour de moi personne n'observe personne. Mais depuis que j'écris je crois, je ne peux m'empêcher de croquer mes contemporains au détour d'une rue, d'un bar ou d'un restaurant. Partout en fait. 

Ils sont deux. Deux couples. Enfin, le deuxième je n'en suis pas si sûre, peut-être les prémices.

Le premier est sur ma gauche, en face de mon quai. Un couple d'une cinquantaine d'année. La femme s'approche de son mari en lui caressant la joue, puis en s'approchant de lui et en l'embrassant tendrement un peu plus haut que la joue. j'esquisse un sourire. On dirait qu'ils sont seuls au monde. 

Puis mon regard se reporte sur ma droite, toujours sur le même quai. Je vois une jeune femme, la trentaine, qui fait les cent pas en discutant au téléphone. Scène suivante : je note un jeune homme derrière le tourniquet qui fait demi-tour et lui parle au dessus de la vitre, son badge de société tressautant un peu sur sa poitrine. La jeune femme a un grand sourire.  Elle raccroche aussitôt et commence à parler au jeune homme. Je pense qu'ils sont deux collègues, même si je n'ai pas vu de badge autour du coup de la femme - elle est de trois-quart. J'imagine donc qu'il l'a raccompagné jusqu'au quai pour lui dire "au revoir, à demain" avant de se raviser. N'empêche que leur conversation que je devine plus que je ne comprends a quelqu'un chose de léger. Comme un de ces flirts de printemps. Et mon instinct parfois ne ment pas : en effet, au moment de remonter, le jeune homme se retourne sur la jeune femme puis reprend sa longue marche vers le dehors. Puis comme un ballet silencieux, l'autre protagoniste se retourne sur lui après coup, quand il termine sa montée.

Comme dans l'une de ces comédies romantiques anglaises que j'affectionne particulièrement. 

Je ne peux m'empêcher alors d'esquisser un sourire. Un sourire sur les prémices sur, qui sait, les amours naissantes entre deux collègues d'open space.

Cela a fait ma journée. 

lundi 7 octobre 2024

16

Aujourd'hui cela fait 16 ans que j'ai ouvert ce blog. Facebook m'a rappelé à mon  bon souvenir et m'a mis un coup de pieds au derrière pour me faire revenir vers ces lieux hantés par ma plume paresseuse ; plume qui pourtant en a rempli des pages ces derniers mois,  sans poster quoi que ce soit, certes. 

C'est bien la première fois que je tiens un carnet de routes/journal extime aussi longtemps. Notez que l'expression extime n'est pas de moi mais je l'avais lu quelque part et j'avais trouvé cela judicieux parce qu'un blog est tout sauf un journal intime car à la vue de tou(s)tes pour peu que l'on sache quels mots-clés taper  sur le moteur de recherche.
 
Mais bref.

Je me demande si c'est encore utile de le continuer ; si ce que j'écris a un écho ; si simplement j'ai encore des choses à dire ou à partager. Pourtant en ce jour d'anniversaire qui ricoche malgré lui avec l'actualité mortifère, il me semble finalement que ce serait stupide et/ou  prématuré tout compte fait de refermer la porte de cette maison que j'ai construit brique à brique avec mes souvenirs, mes pensées parfois confuses et mes anecdotes ou plutôt mes innombrables mésaventures, sur lesquelles je m'arrête parfois pour rire de moi, me moquer de ma maladresse coutumière.

Parce que même si je n'écris plus grand chose, je n'arrête pas.

Je n'arrête pas de parler autour de moi. De commenter l'actualité, d'exposer mes théories, de fulminer sur la montée des extrêmes qui, je n'ai jamais compris pourquoi,  complote ; attise la haine ; suscite l'ignorance face à des communautés qui ne demandent qu'à vivre sereinement sans avoir à justifier quoi que ce soit. 

Les prisons mentales sont créées par les gens qui rejettent tout ce qui diffère d'eux. C'est dommage de fracturer son crâne à l'impossibilité de s'ouvrir sur les autres parce qu'ils sont étrangers dans tous les sens du terme.  Mais ne nous leurrons pas : tout le monde n'a pas la faculté de se mettre à la place de l'autre, de faire preuve d'empathie. Non, certains sont bornés et refusent d'accorder les mêmes droits comme si cela allait impacter les leurs, de droits, eux qui ont tout déjà. 

Mais de quoi ont-ils peur en fait ? 

Je n'arrête pas. 

Je n'arrête pas de maudire l'Humain dans tout ce qu'il a de plus déplorable, vil, dégueulasse - n'ayons pas peur des mots et, au final, in-Humain dans ce qu'il s'évertue à détruire ici-bas. 

Drôle d'anniversaire, drôle de billet pour souffler sur mes 16 bougies  - ce blog adolescent qui n'est plus un enfant mais pas encore un adulte ; ce billet qui me semble morose ce soir. Il est vrai que je n'ai jamais été quelqu'un d'optimiste même si l'humour et moi ont est foncièrement compatibles depuis que j'ai compris que c'était la meilleure façon de ne pas prêter le flanc aux critiques et aux méchancetés  qui vous tombent sur la gueule. 

Malgré tous les moyens qui sont à notre disposition, jamais l'avenir ne m'a semblé aussi désespérant et déprimant. 

Promis. 

J'essaierai de revenir avec une humeur un plus primesautière, guillerette.

Mais pas ce soir. 

Ce soir j'ai encore du mal à comprendre ce qui pousse les uns et les autres à se comporter comme des hyènes.

Je souffle sur les bougies mais le cœur n'y est pas autant qu'il devrait l'être.


jeudi 14 mars 2024

A toi l'inconnue du métro

 Tu étais là, le visage triste. Peut-être étais tu juste fatiguée mais un instant j'ai cru que tu étais sur le point de pleurer. D'instinct, je me suis assise en face de toi puisque j'avais encore quelques arrêts. Tu semblais si vulnérable habillée de ta jupe printanière, les genoux fermés, sans doute pour ne pas prendre trop de place, ni certainement pour qu'un esprit malhonnête ne s'avise de te reluquer - la position des femmes quand elles sont dans l'espace public pour ne pas trop attirer l'attention. Oui, je me suis assise en face de toi, bloquant délibérément le passage de peur qu'un imbécile ne se mette à tes côtés et ne t'adresse des reproches comme cet homme, jeune,  qui l'a fait des semaines auparavant vis-à-vis d'une femme plus âgée parce qu'il la jugeait trop peu vêtue. Comme s'il fallait une validation de qui ce soit pour s'habiller comme bon nous semble quand on est une femme. 

La musique électro se déversait dans mon casque et malgré moi, j'essayais de deviner si tu étais triste ou tout simplement fatiguée, sans trop oser croiser ton regard, ce regard dans lequel j'ai cru pourtant poindre des larmes que tu tentais de contrôler. 

Je n'ai pas osé, pas osé te dire que je te comprenais. Je me suis assise face à toi, inconnue que je ne reverrai sans doute jamais, parce qu'il me semblait que c'était la chose à faire, que j'ai eu cet instinct irrépressible de m'assurer que tu allais bien. Même si je prenais cet air détachée pour ne pas te gêner, je restais tout de même attentive aux expressions qui succédaient sur ton visage. 

Puis nous sommes toutes les deux descendues au même arrêt. Je t'ai vu au loin dans la foule et nos chemins se sont séparés.

J'espère sincèrement que, où que tu te trouves ce soir, tu sois libérée de ce poids qui semblait te comprimer les épaules.