Nul
ne peut dire pourquoi ces choses là arrivent toujours la nuit.
Peut-être que le grand ordonnateur pense que la peine est atténuée,
la nuit, et elle l'est car vous êtes épuisée – votre corps
abdique, même si vous avez encore assez d'esprit pour prendre la
terrible décision. Mais le jour vous savez consciemment que le
chagrin reviendra, et la dure réalité avec.
Vous
êtes déjà passée par là. Hélas. Le cycle de la vie.
Ce
genre de choses se sent quand on tient compagnie à des petites
boules de poils, que parfois vous sauvez de la rue ou de la bêtise
tout court.
Je
l'ai veillé. J'ai pris soin de lui. Je lui ai donné à manger à la
main. Parce que j'avais encore un faible espoir. Mais hier. Hier j'ai
enfin accepté de le laisser partir. Je lui ai murmuré à l'oreille
qu'il avait le droit de partir et qu'il s'était battu comme un petit
lion.
Il
est mort dans mes bras. Mon corps a réchauffé le sien toute la
journée d'hier. Nous étions apaisés tous les deux même si le
chagrin reste en moi.
Aujourd'hui,
soutenue par une amie, je l'ai amené chez le vétérinaire afin de
procéder au dernier rituel, à l'adieu solennel. Tous mes amis ont
été présent à un moment ou un autre dans ce processus et je les
en remercie.
Je
l'ai porté, blotti contre moi dans son plaid bleu qu'il aimait bien.
Puis je lui ai adressé un dernier adieu sur cette froide table,
comme l'était son petit corps. Et, quand je récupérerais ses
cendres, je les disperserais quand bon je le jugerais et où bon me
semble.
Ce
n'était qu'un petit lapin, me rétorqueront certains qui ne
comprennent pas et qui me jugeront sans doute parce je suis une
adulte ; que ça ne se fait pas. Mais pour citer Lamartine :
« On n'a pas un cœur pour les hommes et un cœur pour les
animaux, on a un cœur ou on n'en a pas ».
A
ceux qui me méprisent ou me moquent, je leur répondrais que c'était
mon petit compagnon durant 7 longues et belles années où il a eu
une jolie vie, j'ose le croire. Je ne veux en garder que les belles
images.
J'aurais
voulu venir ici avec des nouvelles plus joyeuses ou plus cocasses
après ce long silence. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut.
«Inch Allah » m'a dit A. hier par SMS. Et, malgré mon
âge et mon expérience – je suis déjà passée par là, je suis
toujours surprise de ressentir autant de chagrin. Ce vide que je vais
combler en m'occupant davantage de mes deux rescapées parce que je
les ai un peu délaissées durant ces derniers temps où je me
battais à côté de mon « crapaud » comme j'aimais à
l'appeler.
Il
était plus ou moins 22h04 quand Enzo nous a quitté pour aller
gambader au pays des carottes magiques.
Je
ne veux en garder que cette truffe curieuse.
R.I.P.