lundi 26 septembre 2016

22h04

Nul ne peut dire pourquoi ces choses là arrivent toujours la nuit. Peut-être que le grand ordonnateur pense que la peine est atténuée, la nuit, et elle l'est car vous êtes épuisée – votre corps abdique, même si vous avez encore assez d'esprit pour prendre la terrible décision. Mais le jour vous savez consciemment que le chagrin reviendra, et la dure réalité avec.

Vous êtes déjà passée par là. Hélas. Le cycle de la vie.

Ce genre de choses se sent quand on tient compagnie à des petites boules de poils, que parfois vous sauvez de la rue ou de la bêtise tout court.

Je l'ai veillé. J'ai pris soin de lui. Je lui ai donné à manger à la main. Parce que j'avais encore un faible espoir. Mais hier. Hier j'ai enfin accepté de le laisser partir. Je lui ai murmuré à l'oreille qu'il avait le droit de partir et qu'il s'était battu comme un petit lion.

Il est mort dans mes bras. Mon corps a réchauffé le sien toute la journée d'hier. Nous étions apaisés tous les deux même si le chagrin reste en moi.

Aujourd'hui, soutenue par une amie, je l'ai amené chez le vétérinaire afin de procéder au dernier rituel, à l'adieu solennel. Tous mes amis ont été présent à un moment ou un autre dans ce processus et je les en remercie.

Je l'ai porté, blotti contre moi dans son plaid bleu qu'il aimait bien. Puis je lui ai adressé un dernier adieu sur cette froide table, comme l'était son petit corps. Et, quand je récupérerais ses cendres, je les disperserais quand bon je le jugerais et où bon me semble.

Ce n'était qu'un petit lapin, me rétorqueront certains qui ne comprennent pas et qui me jugeront sans doute parce je suis une adulte ; que ça ne se fait pas. Mais pour citer Lamartine : « On n'a pas un cœur pour les hommes et un cœur pour les animaux, on a un cœur ou on n'en a pas ».

A ceux qui me méprisent ou me moquent, je leur répondrais que c'était mon petit compagnon durant 7 longues et belles années où il a eu une jolie vie, j'ose le croire. Je ne veux en garder que les belles images.

J'aurais voulu venir ici avec des nouvelles plus joyeuses ou plus cocasses après ce long silence. Mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut. «Inch Allah » m'a dit A. hier par SMS. Et, malgré mon âge et mon expérience – je suis déjà passée par là, je suis toujours surprise de ressentir autant de chagrin. Ce vide que je vais combler en m'occupant davantage de mes deux rescapées parce que je les ai un peu délaissées durant ces derniers temps où je me battais à côté de mon « crapaud » comme j'aimais à l'appeler.

Il était plus ou moins 22h04 quand Enzo nous a quitté pour aller gambader au pays des carottes magiques.

Je ne veux en garder que cette truffe curieuse.

R.I.P.